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Plato, le satellite européen qui va chercher « une deuxième Terre dans l’Univers »

Existe-t-il, dans l’immensité du cosmos, une jumelle de la Terre ? Un autre endroit où la vie aurait pu se développer, sous une forme ou une autre. Depuis plus de trente ans, les observations d’exoplanètes (5.346 recensées à ce jour) et les promesses d’en découvrir encore un nombre presque incalculable poussent les scientifiques à imaginer que non, nous ne serions effectivement pas seuls dans l’Univers.

A Cannes, chez le fabricant de satellites Thales Alenia Space (TAS), l’Agence spatiale européenne (Esa) travaille sur une nouvelle mission qui partira à la recherche d’« une deuxième Terre dans l’Univers ». Ou au moins d’autres environnements « habitables » en dehors de notre système solaire. 20 Minutes a pu se rendre dans les salles blanches où le télescope Plato et ses 26 yeux prêts à scruter les confins de notre galaxie se préparent.

C’est quoi une planète « habitable » ?

Au 31 mars, on avait donc déjà observé et répertorié 5.346 exoplanètes. Une goutte d’eau dans un océan. « On pense qu’il y a, en moyenne, une planète par étoile. Et on estime qu’il y a au moins 100 milliards d’étoiles par galaxie et peut-être 2.000 milliards de galaxies. Ça laisse vraiment beaucoup de possibilités », expose Jean-Luc Petit, ancien chef du programme Plato chez Thales Alenia Space, où les essais en vibration des générateurs solaires du satellite viennent d’être organisés.

Et parmi ce chiffre à 23 zéros de candidates potentielles, « on estime qu’une sur cinq se situe en zone habitable », indique encore le spécialiste. Avec Plato, l’Esa va viser les régions qui entourent les étoiles dites des « boucles d’or ». Ni trop près, ni trop proche, mais là où « la température est idéale pour que l’eau liquide existe à la surface d’une planète ». Qui devra évidemment être tellurique, c’est-à-dire faite de roche.

Comment va fonctionner le télescope Plato ?

Pour faire monter le compteur d’exoplanètes, Plato va regarder les étoiles en espérant observer le « transit » d’objets orbitant autour d’elles. Le télescope et ses 26 caméras, qui vont permettre de créer des mosaïques d’images de près de 2 milliards de pixels, vont se concentrer sur la photométrie, c’est-à-dire les variations lumineuses des astres observées. Avec une règle simple : si leur éclat diminue à intervalles réguliers, c’est que quelque chose vient boucher la vue. « Comme lors d’une éclipse, décrit Jean-Luc Petit. Et l’amplitude de cette baisse permettra de préciser la taille de l’objet en question. »

Les deux premières missions lancées à la découverte d’exoplanètes, CoRot entre 2006 et 2014, et Kepler de 2009 à 2018, utilisaient le même procédé. Mais Plato offrira une précision inégalée avec une « capacité unique de pouvoir effectuer des observations stables et de très longue durée », vante Thales Alenia Space. « La précision du pointage sera extrêmement élevée », appuie Catherine Vogel, la nouvelle chef du programme Plato chez TAS. Une condition sine qua non pour obtenir des données fiables, que le satellite confortera grâce à l’astérosismologie. Cette « étude des ondes sonores qui traversent les étoiles et qui les font vibrer » permet de déterminer leur masse, leur âge et leur rayon. Des informations essentielles pour caractériser les planètes qui gravitent autour d’elles.

Les 26 caméras de Plato
Les 26 caméras de Plato – Esa

Les mêmes zones scrutées pendant plus de deux ans

La mission estimée à 700 millions d’euros devrait décoller de Kourou, en Guyane, à la fin de l’année 2026. Et à bord d’une fusée Ariane 62. Placé sur une orbite héliocentrique, c’est-à-dire autour du soleil, au point de Lagrange L2, à 1,5 million de kilomètres de la Terre, le télescope va se concentrer sur un champ de l’espace (beaucoup plus large que lors des missions précédentes) pendant deux ans et demi, avant d’en changer. « Si l’on veut trouver des planètes aux caractéristiques proches de celles de la Terre, il faut tabler sur des orbites de même durée. Il faut donc au moins deux ans, et l’observation de deux transits, pour confirmer leur présence autour des étoiles que le satellite va regarder », avance Jean-Luc Petit.

La mission étant prévue sur six ans au minimum, l’Esa espère pouvoir analyser au moins deux zones différentes. « On va viser des secteurs dans lesquels les étoiles ont des similitudes avec le soleil, pour se donner le maximum de chances de trouver des planètes habitables. Mais tout ça n’est pas encore fixé, ajoute Catherine Vogel. Les spécialistes sont encore en train de réfléchir aux meilleurs endroits à explorer. On est un peu comme à l’époque de Christophe Collomb. On est vraiment dans l’exploration ».