France

« On dit qu’on s’est rencontrés par une amie »… Quand les jeunes découvrent les agences matrimoniales

Trouver l’amour est une préoccupation pour l’essentiel d’entre nous aussi vieille que notre humanité. Et les lieux de rencontre évoluent avec les époques. Aujourd’hui, 22 % des nouveaux couples (formés au cours des douze derniers mois) déclarent s’être connus via une application ou un site de rencontre, ce qui fait de ces outils le premier lieu de rencontre. Mais tous ne s’en satisfont pas, et parmi les déçus ou ceux qui échouent à trouver sur Internet un partenaire pour partager sa vie, certains décident de se tourner vers une agence matrimoniale, sorte d’ancêtre de Tinder, Happn et autre AdopteUnMec, apparue au XIXe. « J’étais beaucoup sur les applications et j’en suis sorti extrêmement déçu, introduit Aurélien*. Sitôt le premier rendez-vous passé, il n’y a plus d’attrait. C’est une logique de consommation de relation ».

« Timide et réservé », ce commercial de 32 ans, qui travaille beaucoup et n’a pas trop pour habitude de sortir, s’est alors tourné vers Unicis, une agence matrimoniale. « J’ai fait la démarche tout seul. Je savais que ça existait et comme j’étais un peu à court de solution, je me suis lancé », explique simplement celui qui espère construire une famille. Aujourd’hui il est en couple depuis deux mois avec la première personne qu’Aurélie, l’entremetteuse qui officie en région parisienne, lui a présentée. Pour sa nouvelle compagne, Aurélien était sa seconde rencontre. Tous deux cherchaient « un projet sérieux ».

« Le frein, c’est l’aspect financier »

Cette envie de construire une relation « sérieuse » revient chez tous les interlocuteurs. L’aspect « très chronophage des applications » et le « manque de temps pour faire des rencontres » une fois la trentaine atteinte et une vie professionnelle bien lancée, est aussi avancé parmi les motivations. C’est ce qu’explique Antoine*, 37 ans, qui concède peut-être avoir pousser sa logique rationnelle héritée de sa formation à l’extrême : « Je paye des services à tout bout de champ pour me simplifier la vie. Des Uber pour me déplacer, une femme de ménage, des agences de voyages pour les vacances. Alors pourquoi pas une agence matrimoniale ? » Inscrit depuis trois ou quatre semaines chez Unicis, après « une longue analyse du marché », il a déjà pu faire une rencontre qui a priori n’a pas matché.

Dans le métier depuis une quinzaine d’années, Aurélie a observé au sein de son agence « une population qui s’est considérablement rajeunie. Surtout depuis le Covid. Entre le télétravail et les confinements, la solitude a beaucoup pesé. Aussi, les sites de rencontre se sont beaucoup dégradés à mesure que de plus en plus de monde les utilise. »

Antoine déclare « parler très librement de [s]a démarche avec sa famille et ses amis ». Ce qui n’est en revanche pas le cas de tous. « Ma famille n’est pas au courant », raconte Mathilde*, qui attend un bébé de Thomas*. « On dit qu’on s’est rencontrés par une amie en commun », sourit-elle. Ses copines sont,elles, par contre au courant. « Je les vois galérer avec les applis et elles sauteraient bien le pas. Le frein, c’est l’aspect financier » de ce « service » qu’Aurélie, l’entremetteuse, monnaye autour de 2.000 euros. Mathilde a commencé à se renseigner sur les agences durant le confinement, en regardant l’émission « Mariés au premier regard ».

Le recours aux agences matrimoniales reste tabou

Un retour des jeunes vers les agences matrimoniales sur lequel mise Florent et Kevin, qui viennent de lancer Begin, à Aix-en-Provence. Et les deux entrepreneurs quadragénaires comptent bien « décomplexer la démarche et dépoussiérer le modèle ». A commencer par les prix. Ils proposent « des packs de 4, 6 ou 8 rencontres, allant jusqu’à 500 euros maximum », détaillent-ils. Même si Kevin a rencontré son épouse sur Meetic, il reste critique des applications. « Le constat, c’est qu’elles manquent d’efficacité. Ce n’est pas le volume qui manque, mais la pertinence des profils. Et avec le volume, on se dit qu’on peut toujours trouver mieux. On y juge aussi sur photo, sur le physique. Nous, nous ne présentons pas de photos à nos clients, nous leur demandons de nous faire confiance. » Si comme les autres agences, ils effectuent un travail d’analyse de leurs clients pour voir ceux qui pourraient aller ensemble, les deux agents proposent eux-mêmes le lieu du premier rendez-vous.

« Pour moi ça a été un verre dans un cadre champêtre », raconte Matthieu, un Aixois de 37 ans. Après « plusieurs années sur les applis », il a été séduit et rassuré par la démarche de Florent et Kévin. « Je pensais que c’était réservé au vieux et à ceux qui ne savaient pas se servir d’Internet. J’avais aussi peur de tomber sur une vieille de 60 ans qui allait me sortir un catalogue. » Matthieu est bien conscient, comme Antoine, qu’il « paye pour une prestation ». Il estime qu’il existe encore un tabou autour du recours aux agences. « C’est une sorte d’aveu de faiblesse », considère-t-il. « J’en ai parlé avec des amis autour d’une table, ils en ont plutôt ri. Mais après certains sont venus en privé me demander des détails. »

Le coût de la prestation des agences limite le nombre d’utilsateurs. « On s’adresse plutôt des cadres urbains dynamiques », expliquent nos trois agents. Et au-delà du marché de l’amour, c’est celui de la solitude qui est visé, et il a de beaux jours devant lui. Une cible différente de celui des applications. « Au fond, une agence de rencontre, c’est juste une application améliorée qui analyse les deux personnes », constate Antoine.

*Les prénoms ont été changés à la demande des interlocuteurs.