France

Chantage à la sextape à Saint-Etienne : Quels rôles auraient joué Gaël Perdriau et son entourage ?

A l’issue d’une journée d’audition marathon, les quatre protagonistes englués dans l’affaire du chantage politique à la sextape à Saint-Etienne ont été mis en examen jeudi soir, et placés sous contrôle judiciaire. En attendant, les investigations vont se poursuivre pour déterminer le rôle de chacun, à commencer par celui de Gaël Perdriau.

Un maire maître chanteur prompt à disqualifier son rival ?

A ce stade de l’enquête, le maire de Saint-Etienne, qui a réitéré son refus de démissionner, est uniquement mis en examen pour « chantage » et « soustraction ». Pour l’instant, il n’est nullement établi qu’il a orchestré le « guet-apens », ni qu’il soit le commanditaire de la vidéo, tournée à l’insu de son ancien premier adjoint Gilles Artigues en 2014. Même si, Gilles Rossary-Lenglet, l’homme ayant révélé l’affaire, le désigne formellement.

Pour ce dernier, le mobile est établi : il s’agissait de faire pression sur Gilles Artigues afin de le dissuader de toute velléité de dissidence, voire de se présenter à la mairie de Saint-Etienne. « À ce stade on ne peut pas préjuger de qui en est le commanditaire, mais des indices graves et concordants pèsent sur le maire de Saint-Etienne », appuie auprès de l’AFP Me André Buffard, l’avocat de Gilles Artigues.

Les enregistrements publiés par Mediapart et transmis aux enquêteurs montrent, en revanche, que Gaël Perdriau avait connaissance de cette vidéo. Et qu’il a sous-entendu devant son adjoint, au moins à deux reprises, la possibilité de la faire fuiter. « Une fois que c’est sur les réseaux, ce n’est plus du chantage, c’est une exécution », le prévient-il en 2017, trois ans avant les élections municipales. Puis en 2018, il lui indique : « On n’est pas obligé de diffuser publiquement », précisant qu’il existe « d’autres moyens de faire » comme une diffusion « en petits cercles, avec parcimonie ».

Un directeur de cabinet commanditaire ?

Pierre Gauttierri, l’ancien directeur de cabinet du maire, a refusé de répondre aux questions des enquêteurs. Cela ne l’a pas empêché d’être mis en examen pour « chantage avec mise à exécution de la menace », « recel de bien obtenu à l’aide d’un détournement de fonds », « complicité de soustraction », « détournement de fonds publics par un dépositaire de l’autorité publique », « utilisation, conservation ou divulgation d’un document ou enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenu par une atteinte à l’intimité de la vie privée ».

Celui qui assumait « fonctionner comme un criminel », et « de la même manière » n’avoir « aucune foi ni loi », est soupçonné d’être l’un des commanditaires de ce « barbouzage des mœurs » visant à disqualifier le premier adjoint centriste, connu pour son engagement catholique et son point de vue conservateur sur l’homosexualité. Ce qu’il réfute.

Les enregistrements divulgués par Mediapart mettent pourtant à jour ses méthodes d’intimidation. « Si le fait que j’aille en taule vous fait tomber parce que vous passez pour une vieille pédale sur le retour (…) je n’ai aucun problème », lançait-il à l’intéressé en 2017.

Les conversations attestent également que l’homme avait en sa possession le document compromettant. « J’ai une vidéo vous montrant le cul à l’air avec un mec. Ça ne vous dérange pas ? Le très catholique député Gilles Artigues très bon père de famille dans un truc comme ça ? », ironise-t-il à l’attention du premier adjoint. Et de le menacer : « Si vous faites ça (porter plainte), l’ensemble des parents et des élèves qui sont dans la même classe que vos enfants recevront une copie du film. Et je pense que vos enfants ne s’en remettront pas ».

Un adjoint et son amant à la manœuvre

Gilles Rossary-Lenglet, par lequel le scandale a éclaté, était au moment des faits en couple avec Samy Kéfi-Jérôme, jeune adjoint à la mairie de Saint-Etienne en charge de l’Education. Devant les enquêteurs, il a reconnu son rôle : celui d’avoir organisé le coup monté en lien avec son ex-amant, qui est notamment mis en examen pour « atteinte à l’intimité de la vie privée par fixation » et « enregistrement ou transmission de l’image d’une personne présentant un caractère sexuel ».

Fin 2014, Gilles Artigues et Samy Kéfi-Jérôme se sont rendus à Paris pour une réunion. « On s’est dit que c’était le moment et on a organisé une soirée spécialement pour lui », a confessé Gilles Rossary auprès de Mediapart. Lui s’est chargé de contacter un site d’escort-boy, son compagnon de faire le reste. Sur place, Kéfi-Jérôme propose à Gilles Artigues de le rejoindre dans une chambre, dans laquelle il avait pris le soin d’installer une caméra. Il lui présente une connaissance. En réalité, un gigolo payé « 200 euros de l’heure » en espèces. Puis il s’éclipse, laissant les deux hommes seuls. La suite ? Il récupère la vidéo d’une trentaine de minutes puis monte une bande d’annonce intitulée « In bed with Gilles Artigues », présentée en février 2015 à l’intéressé. Avec la promesse de connaître « la suite au prochain épisode ».

Aujourd’hui, Kéfi-Jérôme accuse son ancien compagnon de lui avoir subtilisé la vidéo. Celui-ci a reconnu avoir touché 50.000 euros. Dans sa confession, il indique avoir été rétribué via des prestations fictives facturées par des deux associations locales, qui venaient de recevoir d’importantes subventions municipales.