France

Non, un enfant n’a pas été enlevé dans sa poussette au Kiabi d’Albertville

Panique générale sur Facebook. Au Kiabi d’Albertville, en Savoie, un enfant aurait été enlevé dans les rayons du magasin. « Une maman avait son enfant dans la poussette, elle s’est tournée un instant, plus de gosse. Les gérants ont fermé les portes et fouillé le magasin », précise une publication vue près d’un million de fois sur les dernières 24 heures. Avant d’ajouter : « Le petit était dans une cabine d’essayage avec trois hommes d’origine roumaine, ils changeaient les habits du petit et étaient en train de lui raser les cheveux ».

Une autre publication faisait état de la même histoire, en ajoutant le détail cette fois que le magasin concerné était celui d’Albertville. Mais depuis, la publication a été supprimée. Il n’est également pas précisé quand a eu lieu cette histoire. Mais a-t-elle seulement eu lieu ? 20 Minutes a vérifié.

FAKE OFF

« Cette information est totalement fantaisiste », tranche d’emblée Didier Marin, le commandant divisionnaire de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) en Savoie. Un élément confirmé par le directeur du magasin Kiabi d’Alfortville sur Facebook ce lundi soir : « L’information qui tourne sur les réseaux sociaux par rapport à un enfant kidnappé dans le magasin d’Albertville est fausse ».

Il s’agit en réalité d’une rumeur veille de plusieurs décennies. Sur les réseaux sociaux, de manière récurrente, des publications mentionnent des histoires d’enlèvements dans des magasins. Parfois les enseignes changent, parfois seule la localisation les différencie. Bayonne, Ancenis, Exincourt… les exemples ne manquent pas. Mais le principe est le même : jouer sur la peur de jeunes parents avec sans doute un fond de xénophobie visant une population précise. Ici, les Roumains.

Une rumeur d’Orléans 2.0

Difficile également de ne pas voir un lien avec la rumeur d’Orléans considérée aujourd’hui comme l’une des plus grandes légendes urbaines. Nous sommes en 1969 et à Orléans, des premières rumeurs circulent sur le fait que des jeunes filles se feraient enlever dans les cabines d’essayage de plusieurs magasins. Elles seraient enfermées dans des caves ou piquées pour être endormies. Le point commun entre les boutiques concernées ? Elles seraient toutes tenues par des Juifs et envoyées vers des réseaux de prostitution. Ce serait même un réseau entier de « Traite des blanches ».

Sur les archives de d’époque, nul doute sur le fait que cette croyance avait quelques adeptes. « Ils vont essayer des godasses et ils leur font des piqûres au pied », entend-on par exemple sur une vidéo de l’Institut national d’audiovisuel (INA). Des attroupements sont même organisés devant les magasins déployant de nombreuses menaces et insultes. L’affaire n’est plus qu’une rumeur, mais prend désormais la forme d’antisémitisme. Or, les enquêtes des médias locaux et de la police ne signaleront aucune réelle disparition. Une histoire fantasmée et envenimée par le bouche-à-oreille, à l’instar des alertes enlèvement sur les réseaux sociaux.