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Jeux vidéo : Avec « Resident Evil 4 », le secteur cède aussi à la folie des remakes

Ces dernières années, vous avez peut-être vu passer les termes de remake, reboot ou encore remaster. Volontiers employés dans les domaines du cinéma ou des séries, très enclins à nous offrir de nombreuses suites aux franchises à succès, de plus en plus de jeux vidéo sont présentés comme tels. S’agit-il d’un moyen facile pour les studios de développement de sortir un nouveau jeu rentable sans réelle création scénaristique ?

Il convient d’abord de définir ces fameux termes. Un remake est une nouvelle version, généralement fidèle à l’œuvre originale, mais qui offre souvent quelques changements scénaristiques, de gameplay et surtout de meilleurs effets visuels. Le reboot part de la même base scénaristique que son œuvre originale, mais s’en éloigne très vite pour proposer une histoire quasiment 100 % inédite. Le remaster, lui, ne change ni l’histoire, ni le gameplay, mais se contente d’offrir une refonte graphique à un jeu plus ou moins ancien.

C’est ainsi un remake de Resident Evil 4, jeu culte d’abord sorti en 2005 sur GameCube, que la société japonaise Capcom nous propose depuis vendredi dernier. Si le gameplay a été modernisé avec des améliorations graphiques incontestables, les joueurs retrouveront le même scénario qu’il y a 18 ans. Le membre des forces spéciales Leon S. Kennedy, qui s’était distingué à Raccoon City lors des événements de Resident Evil 2, est chargé de retrouver la fille du président des Etats-Unis qui a été kidnappée en Espagne. Une mission simple si les habitants n’avaient pas été infectés par un mystérieux parasite les transformant en guerriers sanguinaires.

Une prise de risque limitée pour des bénéfices garantis

Il y a une certaine facilité à miser sur des retours de titres déjà connus. La prise de risque est en effet moindre comparée à la sortie d’une nouvelle licence. Les studios surfent sur la nostalgie pour séduire les fans de la première heure et il y a fort à parier que le simple nom Resident Evil 4 fera s’écouler beaucoup d’unités. Une grande partie de la communication est déjà assurée, tant le retour d’un jeu culte fera nécessairement parler de lui. « Il y a une intention nostalgique qui est évidente mais qui peut être risquée », a expliqué à 20 Minutes Max Cagnard, journaliste et chroniqueur, notamment pour le site spécialisé jeuxvideo.com. « Le jeu a 18 ans, donc la nostalgie s’adresse à des gens qui sont trentenaires ou quadragénaires, c’est un vrai pari. Le vrai avantage est d’avoir une marque connue, comme « Resident Evil » ou « Final Fantasy », qui est a priori connue de tout le monde et pourra toucher un public plus jeune. »

Le remake de Final Fantasy VII, jeu cultissime sorti en 1997, est un autre bon exemple de la stratégie commerciale derrière ces retours. L’éditeur japonais Square Enix a en effet annoncé que ce remake sortirait en trois parties distinctes. Pour suivre les aventures de Cloud et Aeris, il faudra donc faire chauffer sa carte bleue et acheter trois jeux, à environ 69.99 euros chacun, là où l’histoire originelle tenait en un seul jeu à l’époque. « Les éditeurs ne réfléchissent plus seulement à fournir un jeu vidéo puis laisser les joueurs tranquilles. Il faut pérenniser le jeu sur la durée, en offrant des suites, des DLC [contenu téléchargeable supplémentaire], ou des paiements directement dans le jeu », détaille Max Cagnard. Si la durée de jeu et les améliorations apportées au gameplay et aux graphismes peuvent justifier ces décisions, cela fait tout de même cher la nostalgie.

Accuser Capcom de manquer d’ambition artistique serait pourtant lui faire un mauvais procès. Certes, l’éditeur propose des remakes ou remasters de quasiment toute la série Resident Evil depuis quelques années, mais il continue de sortir des opus totalement inédits, salués à la fois par la critique et les joueurs. « Les remakes permettent à Capcom de continuer de proposer du contenu « Resident Evil » entre deux jeux inédits. C’est une sécurité car ils ont déjà le matériau de base. Il y a un aspect financier évident mais ça reste pertinent d’un point de vue artistique et créatif », résume Max Cagnard. C’est aussi le cas pour Square Enix qui, outre le remake de Final Fantasy VII, continue de travailler sur la sortie prochaine du 16e opus, prévue pour le 22 juin.

Une amélioration tant graphique que scénaristique incontestable

En plus de permettre à des nouvelles générations de découvrir ses grands classiques du 10e art, l’histoire et surtout la psychologie des personnages sont modernisées et beaucoup plus dans l’air du temps. Le personnage d’Ashley par exemple (la fille du Président qui a été kidnappée) était à l’époque l’archétype même de la demoiselle en détresse attendant son sauveur, telle Peach dans les jeux Mario. Si la trame de son sauvetage est respectée, sa personnalité a gagné en profondeur et elle est clairement moins un boulet dans l’histoire qu’à l’époque.

L’avantage du remake est qu’il permet de toucher une nouvelle génération de joueurs, qui pourrait facilement être rebutée par les graphismes vieillissants des jeux originaux, sans trop toucher à l’histoire originale pour ne pas décevoir les fans de la première heure. On pourrait pourtant penser qu’on est loin ici d’un titre désuet et vieillissant, Resident Evil 4 étant sorti en 2005. Mais un rapide coup d’œil au jeu de base nous prouve que même s’il reste parfaitement jouable, l’amélioration des graphismes en dix-huit ans est sidérante.

La nécessité de s’élever à la hauteur du jeu de base

Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de connaître Resident Evil 4 à sa sortie, il faut se rendre compte qu’il a totalement modernisé, pour ne pas dire révolutionner toute l’industrie vidéoludique. Qu’il s’agisse de passer du genre « survival horror » à celui de l’ « action horrifique », d’avoir à présent une vision camera à l’épaule ou encore des décors en temps réel et non plus fixes, le jeu a été un marqueur dans l’histoire et a permis l’arrivée de nombreux jeux cultes par la suite comme Dead Space ou Gears of War.

Comme pour Final Fantasy VII, considéré comme le meilleur de sa saga, proposer des remakes de ces jeux oblige les éditeurs à sortir une version parfaite en tous points, au risque de subir les foudres de fans se sentant trahis. Il n’est pas pensable pour les studios d’imaginer qu’avec une histoire de base de qualité, simplement améliorer les graphismes fera forcément sortir un meilleur jeu que l’original. Pour convaincre, il est nécessaire d’apporter plus.

Un remake qui vaut le coup, qu’on connaisse l’original ou non

Car c’est là le principal argument de vente des éditeurs : il s’agit bien d’un jeu à part entière, et pas simplement d’un portage sur les consoles actuelles avec simplement une amélioration des graphismes. « Énormément de choses sont modifiées. Techniquement, d’abord, c’est indéniable. Mais également le jeu de base, la structure des niveaux, les cinématiques, les énigmes… Absolument tout est modernisé. C’est un nouveau jeu, tout en étant respectueux de l’œuvre originale », souligne Max Cagnard. Pour faire une métaphore immobilière, dites-vous qu’on aurait rasé une maison et construit une nouvelle sur le même terrain, et pas juste passer quelques coups de peinture sur les murs.

Le travail effectué porte ses fruits et même ceux qui ont connu la version originale trouveront leur plaisir et auront l’impression de jouer à un tout nouveau jeu avec ce remake, notamment via un gameplay bien plus moderne. Fini par exemple le fait de ne pas pouvoir tirer tout en se déplaçant. « Certains remakes comme ceux de The Last of us ou Shadow of the Colossus sont des remakes exemplaires mais sont les mêmes jeux que ceux de base. Il ne s’agit pas d’une vraie ré-imagination comme c’est le cas ici avec Resident Evil 4 », résume le journaliste.

Pour ce remake de Resident Evil 4, les retours critiques des médias spécialisés sont excellents et le public semble convaincu. De quoi convaincre, si besoin était, de continuer sur cette lancée. L’éditeur Electronic Arts par exemple, n’avait pas sorti de nouvel opus de sa série Dead Space depuis 2013. Le succès des remakes de Resident Evil l’a convaincu à se lancer.

20 Minutes a eu la chance de tester Resident Evil 4 et force est de constater qu’il s’agit d’une franche réussite. Capcom nous fait une proposition à la fois moderne et respectueuse du jeu de base. Ceux qui ne connaissent pas le jeu de base vont adorer, les autres seront agréablement surpris par tout le réalisme apporté. On sent la volonté de ne pas ternir l’héritage du jeu originel et de réveiller les attentes avant la future sortie de Resident Evil 9.