France

Immeubles effondrés à Marseille : « Jacky, c’était le vrai Marseillais »

C’est tout un quartier qui est en deuil. À l’angle du boulevard Eugène-Pierre et de la rue de Terrusse, au cœur de ce 5e arrondissement en berne depuis la nuit de samedi à dimanche, ils sont nombreux à passer devant L’Artisan du Charolais. C’est dans cette boucherie que Jacky Morand a travaillé durant près de vingt ans. Mercredi en fin de journée, la procureur de la République de Marseille a confirmé que l’octogénaire et sa compagne Anna, faisaient bien partie des huit victimes retrouvées dans les décombres de la rue de Tivoli. Et tous deux, justement, étaient des vraies figures du quartier du Camas.

« On le dit toujours quand quelqu’un disparaît, mais vraiment c’était un monsieur gentil et un couple adorable », confie Marie-Christine, employée de la boucherie. Agé de 81 ans, Jacky a passé deux décennies derrière le comptoir du commerce. À la retraite depuis près de vingt ans, cet octogénaire ne s’est pas fait oublier de son quartier pour autant. « Chaque fois qu’il passait devant la boucherie, s’il n’entrait pas pour prendre une pièce de viande, il nous faisait un coucou ou nous envoyait un baiser à travers la vitrine », témoigne encore l’intéressée.

Une « figure du quartier »

Bouleversée par la disparition du couple, Marie-Christine peine à retenir ses larmes dans son magasin. La bouchère a longtemps espéré que Jacky et Anna ne fassent pas partie des victimes : « Ils m’avaient dit qu’ils allaient passer les fêtes de Pâques avec leurs petits enfants. Jusqu’à la fin, j’ai pensé qu’ils n’étaient pas dans leur immeuble au moment du drame. »

Dans la boulangerie La Paline d’Or, située à quelques encablures de la boucherie, Michael, l’accent marseillais chevillé au corps, apprend tout juste la nouvelle. « Mais non ? Mais Jacky est une figure du quartier ! », se désole le jeune homme. Et d’ajouter avec émotion : « Ce monsieur c’était un moqueur, un rieur quoi ! ». Lui se souvient des fois où l’octogénaire flânait sur le boulevard Eugène-Pierre, souvent au bras de son épouse. « Ils étaient toujours à deux en train de rigoler et de saluer les commerçants du quartier, se remémore-t-il. Cette histoire, c’est une tragédie. »

« Il parlait fort, il était toujours de bonne humeur »

Pour Marie-Nicole, cliente de la boucherie, Jacky a d’abord été « son commerçant » du coin de la rue Terrusse puis son voisin. « Ce monsieur, c’était l’ancien du quartier, assure-t-elle. Il parlait fort, il était toujours de bonne humeur, c’était un brave homme. » A la table du PMU qui fait face au commerce, quatre retraités refont l’histoire de ces derniers jours autour d’un café. Tous ne connaissaient pas le nom de ce « boucher rieur ». Mais tous s’en souviennent fortement. « Il faisait partie du paysage, tous les gens du quartier connaissaient ce bonhomme », déclarent-ils à l’unisson.

Difficile d’imaginer que dans la deuxième plus grande ville de France, les liens soient si forts, les souvenirs aussi. C’est comme cela qu’on comprend que le Camas et un quartier très ancré chez les Marseillais.

Marie-Nicole, enfant du pays, réside dans le pâté de maisons depuis plus de quarante ans. Elle n’était pas une proche de Jacky mais lui portait beaucoup d’affection. Au fil des années, l’homme était devenu une véritable figure familière. « Jacky, c’était le vrai Marseillais », conclut-elle avec émotion.