France

Guyane : « L’idée était d’asphyxier la zone »… Comment le GIGN a traqué l’homme suspecté d’avoir tué un gendarme

La traque aura duré 14 jours. Le 8 avril dernier, un hélicoptère de la gendarmerie se pose au cœur de la forêt tropicale guyanaise. Six militaires du GIGN, lourdement armés, s’approchent prudemment d’un jeune homme vêtu d’un short, allongé sur le sol. Ils lui passent les menottes et le ramènent à l’appareil, qui redécolle aussitôt. Agé de 20 ans et de nationalité brésilienne, il est suspecté d’avoir tué le 25 mars un gendarme de 35 ans, lequel participait à une opération contre l’orpaillage illégal, non loin de Maripasoula. Il a été transféré en Martinique, où il a été mis en examen pour homicide volontaire en bande organisée et association de malfaiteurs, et placé en détention provisoire.

Le commandant du GIGN, le général Ghislain Réty, raconte à 20 Minutes comment s’est déroulée cette chasse à homme inédite. Il revient également sur les missions menées en Guyane par cette unité, laquelle dispose d’une antenne à Cayenne depuis 2016.

Le gendarme Arnaud Blanc a été tué alors qu’il participait à une opération contre l’orpaillage illégal. Quelle était cette mission ?

Ce jour-là, trois membres du GIGN et cinq des forces armées guyanaises du 27E bataillon de chasseurs alpins ont été déposés en pleine forêt, à 5 km de l’objectif, avec un hélicoptère. C’est le seul moyen d’accéder au site de Dorlin, grand de 10.000 km2. Leur mission consistait ensuite à déceler des caches logistiques et de les détruire. Ils sont tombés sur un premier carbet, une petite maison, où ils ont neutralisé deux personnes. Environ 400 mètres plus loin, il y a eu un échange de coups de feu près d’un autre carbet. Arnaud Blanc a été touché. Pour la suite, une enquête est en cours.

Le GIGN participe-t-il souvent à ce type d’opération en Guyane ? Quelles en sont les spécificités ?

Nous participons à des opérations en appui de la section de recherches chargée d’enquêter, et en coordination avec les forces armées guyanaises qui sont très impliquées dans la lutte contre l’orpaillage illégal. Il s’agit, pour nous, d’une mission prioritaire en Guyane car ses conséquences sont dramatiques. L’orpaillage entraîne la destruction de l’environnement, de la biodiversité, la pollution des fleuves…

Pour faire 1 kg d’or, il faut 1 kg de mercure que les trafiquants déversent dans les fleuves. C’est la population qui est ainsi empoisonnée. On trouve aussi beaucoup de mineurs qui travaillent sur ces sites, dans des conditions proches de l’esclavage. Cela attire des bandes armées à la gâchette facile prêtes à tuer pour 5 g d’or… C’est tout un écosystème de la délinquance que l’orpaillage génère.

Comment s’est déroulée la traque du suspect ? De quelle manière avez-vous retrouvé sa trace au cœur de la forêt équatoriale ?

Le GIGN a collaboré avec plusieurs forces. Au niveau international, le Brésil et le Suriname ont déployé des moyens importants pour empêcher cette bande armée de rejoindre ces pays, notamment en contrôlant les fleuves. Les gendarmes mobiles et les membres des forces armées guyanaises tenaient, eux, des points de contrôle stratégiques sur les pistes qui servent de routes. L’idée était d’asphyxier complètement la zone, de la saturer de forces militaires, pour empêcher l’adversaire de bouger.

A la moindre information qui nous parvenait sur sa localisation, le GIGN harcelait l’adversaire dans le secteur. Cela a bien marché. Il a été asphyxié. Il n’y avait plus de flux logistiques : ils étaient en pénurie de nourriture, ne pouvaient plus bouger. Il a fini par nous contacter pour se rendre.

Comment s’est déroulée son arrestation, qui a été filmée par un témoin ?

On ne savait pas s’il s’agissait d’un piège. Il y a en Guyane des bandes armées très violentes et dangereuses, prêtes à beaucoup de choses. Il s’est montré coopératif et a suivi le protocole qui avait été mis en place avec lui. Il y avait deux hélicoptères pour cette mission : un Puma a servi à transporter l’équipe et la déposer au sol. L’autre transportait un tireur d’élite prêt à engager le feu au cas où il s’agirait d’un guet-apens.

Cette mission est-elle terminée pour le GIGN ?

Non, le suspect est un membre d’une bande organisée. Il faut désormais interpeller le reste de l’équipe. L’idée est de redonner un peu de sérénité sur le territoire.

Quel souvenir laissera Arnaud Blanc au sein de l’unité ?

C’est quelqu’un qui était très engagé, un grand professionnel. Il était très méticuleux dans la préparation de ses opérations, mais aussi très jovial en dehors du travail. C’était un patriote, qui a toujours voulu servir dans la gendarmerie. Il en était très fier et donnait tout pour son métier. Il consacrait le peu de temps qu’il avait à sa famille, à sa compagne et à ses enfants.