France

Face à la désinformation sur le climat, une expo pousse à agir

Réchauffement de la planète, précipitations, montée des eaux… Sur un globe terrestre suspendu, des élèves font varier les données à partir d’un tableau de commandes pour voir à quoi ressemblerait la Terre en projetant un scénario à +2 ou +3 °C. Poser les faits, comprendre les impacts du changement climatique et montrer comment adapter la société à ce réchauffement, c’est l’ambition de la nouvelle exposition permanente « Urgence climatique », ouverte le 16 mai pour dix ans à la Cité des sciences de Paris.

« Le mot urgence est bienvenu, souligne Jean Jouzel, paléoclimatologue et commissaire scientifique de cette exposition. On sait qu’on a deux fois trop d’émissions [de gaz à effet de serre] à horizon 2030 par rapport à ce qu’il faudrait, que l’on va tête baissée vers les +3 °C. Ce que l’on vit aujourd’hui, c’est ce que notre communauté scientifique envisage depuis le premier rapport du Giec », le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, dont il a été vice-président entre 2002 et 2015.

Jean Jouzel, paléoclimatologue, à l'exposition "Urgence Climatique" à la Cité des sciences et de l'industrie, à Paris, le 16 mai 2023.
Jean Jouzel, paléoclimatologue, à l’exposition « Urgence Climatique » à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, le 16 mai 2023. – Olivier Juszczak / 20 Minutes

Partir du consensus scientifique

Face à la montée du climatoscepticisme sur les réseaux sociaux, étudiée notamment par le mathématicien David Chavalarias, la volonté est ici de rendre palpable et visible trente-cinq ans de recherche sur le réchauffement climatique, en s’appuyant sur les experts du CNRS, de l’Ademe ou l’Inrae. Et de rappeler que le consensus scientifique existe sur le fait que les activités humaines génèrent du CO2 et qu’une concentration importante de CO2 provoque un dérèglement climatique à l’échelle de la planète.

Selon l’édition 2023 du baromètre de l’esprit critique d’Universcience, 63 % des Français lient le réchauffement au CO2, produit par les activités humaines, et pensent que le réchauffement lui-même fait consensus chez les scientifiques. Plus d’un tiers des répondants ne sont pas d’accord ou ne se prononcent pas.

Mais pour Adrien Stalter, muséographe et commissaire d’exposition, « on n’en est plus à expliquer encore pourquoi il y aurait un hypothétique changement climatique, il est là, il existe. C’est prouvé scientifiquement. Maintenant, on passe à la décarbonation. » « On ne s’est pas dit « on part des arguments contre et on va expliquer pourquoi c’est faux », abonde Jean Jouzel. Notre point de départ, ce sont les scénarios du Giec. »

Des sculptures de données impressionnantes

L’exposition s’appuie sur la visualisation, avec des sculptures de données impressionnantes. Dans deux cercles représentant les émissions directes et indirectes de la Ville de Paris, dix colonnes de bidons aux couleurs flashy se font face. La plus petite mesure 15 cm et représente l’industrie intra-muros, la plus grande 7,5 m pour l’aviation (moyen par lequel les touristes viennent visiter la capitale). Elles sont là pour montrer à quelle hauteur les secteurs participent à l’empreinte carbone de la ville, d’une valeur, au total, de 21,7 millions de tonnes d’équivalent CO2. Des sculptures de données permettent aussi de mesurer les empreintes carbone de nos modes d’alimentation ou des transports utilisés, la voiture thermique individuelle représentant la part la plus importante.

Dans une vidéo, un ingénieur explique ce vers quoi on peut tendre pour décarboner le secteur des transports, et comment l’électrique doit remplacer le thermique, « mais pas à n’importe quelle condition, alerte Adrien Stalter. La sobriété est le mot-clé de la décarbonation. Rouler avec un gros véhicule électrique de 7 ou 8 tonnes est un non-sens absolu. » La voiture électrique est d’ailleurs un des grands sujets d’affirmations trompeuses sur les réseaux sociaux, mais cela montre aussi qu’il soulève des crispations, un rejet.

Une sculpture de données montre l'empreinte carbone de la ville de Paris.
Une sculpture de données montre l’empreinte carbone de la ville de Paris. – Olivier Juszczak / 20 Minutes

« C’est ce que beaucoup de gens souhaitent entendre »

« Soyons clairs, pourquoi ça marche sur les réseaux sociaux, le climatoscepticisme ? Parce que c’est ce que beaucoup de gens souhaitent entendre, soutient Jean Jouzel. C’est-à-dire : il n’y a pas de problème avec le réchauffement climatique, on peut continuer à vivre comme avant, il ne faut pas se soucier de ce que l’on vous dit par rapport à l’évolution de nos sociétés. »

S’il craint que les climatosceptiques ne viennent pas à l’exposition, il espère que les visiteurs puissent avoir une meilleure connaissance de ce qu’est le dérèglement climatique. Pour lui, le plus dur à faire comprendre, c’est que les actions qui vont être menées (ou pas) dans les dix ans vont être essentielles, « non pas pour le climat actuel ou d’ici à 2050, mais pour l’après 2050 ». « La difficulté, c’est comment on agit aujourd’hui pour préserver un climat auquel les jeunes pourront s’adapter », plaide-t-il, espérant une large prise de conscience individuelle et collective.