France

Entre inondations et sécheresse, la pénurie de patates se profile

Patates en crise. Alors que cela fait déjà plusieurs semaines que les autorités alertent sur le niveau anormalement bas des nappes phréatiques, laissant miroiter le spectre d’une vilaine sécheresse estivale, les agriculteurs des Hauts-de-France, eux, font la danse du soleil. Parce que de l’eau, ils en ont eu leur compte. Les précipitations des dernières semaines ont laissé derrière elles des champs détrempés, empêchant les plantations de pommes de terre ou noyant les betteraves.

Entre les mois de mars et d’avril, dans les Hauts-de-France, on pouvait presque compter sur les doigts d’une main les journées au cours desquelles il n’a pas plu. Certes, ça met un coup au moral, ça fait râler les bistrotiers, mais il faut quand même se réjouir, parce que l’eau, c’est la vie. Sauf que, pour les agriculteurs, la pluie c’est un peu comme l’alcool, on apprécie mieux avec modération : « la météo est pourrie depuis début mars, il a plu tout le temps, ce qui nous a empêchés de planter les betteraves à temps », déplore Vincent Guyot, cultivateur dans le nord de l’Aisne. Et s’il a fini, avec un mois de retard, par planter la totalité de ses hectares de betteraves, d’autres n’ont pas eu cette chance avec d’autres cultures.

« J’espère pouvoir m’y mettre bientôt »

Dans sa ferme de Verlinghem, dans le Nord, David Meurillon ronge son frein : « Pour les pommes de terre, on aurait dû commencer les plantations il y a longtemps. Aujourd’hui, le travail devrait être quasiment terminé alors que je n’ai planté que 25 % de mes parcelles. » Ce n’est pas mieux pour Frédéric Colpaert et sa petite exploitation de Viesly, près de Cambrai : « Depuis le 10 avril, j’attends de pouvoir planter mes patates. Quand il ne pleut pas, la terre est de toute façon trop gorgée d’eau pour travailler, alors j’espère pouvoir m’y mettre bientôt. »

Tous les cultivateurs ne sont pas logés à la même enseigne, la météo étant plus capricieuse en certains endroits du territoire. « C’est dans le Nord et dans les Flandres qu’ils sont le plus en retard, moi, je m’en tire plutôt bien, j’ai déjà planté les deux tiers de mes pommes de terre », reconnaît Louis-Paul Lhotellerie, à la tête, avec ses deux fils, de plus de 90 hectares de champs de patates du côté de Valenciennes. Avec l’accalmie annoncée par Météo-France pour les prochains jours, le Valenciennois et ses homologues de la région espèrent reprendre, voire terminer, les plantations. Encore faut-il que la terre soit suffisamment « ressuyée » comme ils disent : « Pour la patate, on travaille la terre sur 15 cm de profondeur. Si elle est trop sèche ou trop imbibée d’eau, ça complique beaucoup la tâche », explique Vincent Guyot.

Vers une pénurie de patates ?

De manière générale, et même si les agriculteurs parviennent à boucler leurs plantations, l’inquiétude demeure. « On a eu un gros orage avec de la grêle samedi dernier, ça a ravagé les champs de colza et endommagé les jeunes pousses de betteraves, a constaté Vincent Guyot. Ça et les plantations tardives auront un impact sur le rendement des cultures », ajoute-t-il. « Les betteraves, ça se rattrape et c’est jamais perdu avec les pommes de terre », temporise Louis-Paul Lhotellerie, tout en livrant, lui aussi, ses doutes sur le rendement des parcelles. En fait, tout dépendra de la météo de cet été et du temps qu’il fera au moment de la récolte : « vous allez dire que les agriculteurs ne sont jamais contents, mais on est comme vous, on n’aime pas les excès », insiste Vincent Guyot.

Si tous s’accordent à dire que les rendements vont souffrir, aucun ne sait dans quelles proportions. Une inconnue qui rend prématurée la crainte d’une pénurie de patates, du moins pour les industriels de la frite. Pour les particuliers, ça risque d’être plus tendu. « Beaucoup de cultivateurs ont passé des contrats avec des grosses boîtes d’agroalimentaire et ne font plus de frais, c’est-à-dire des pommes de terre en sac, avance Louis-Paul Lhotellerie. Si l’on cumule ceci avec la baisse de production de l’année dernière et le retard de cette année, il faut s’attendre à manquer de patates en frais et a des prix qui se maintiennent très élevés. »