France

Emmanuel Macron, ou l’impossible l’apaisement ?

C’est une mission délicate qu’il s’est lui-même fixée. Lors de son allocution aux Français, le 17 avril dernier, Emmanuel Macron s’est donné « cent jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France » pour relancer son quinquennat. Englué dans la crise provoquée par sa réforme des retraites, le chef de l’Etat avait alors fixé un cap pour tenter d’atténuer les tensions dans le pays. 

Un mois plus tard, l’objectif est loin d’être atteint. La crise politique demeure à l’Assemblée nationale et la tension sociale ne faiblit pas. Mais le président de la République fait-il vraiment tout pour « apaiser » la France ?

« L’apaisement, c’est cent jours de relance »

Pour Emmanuel Macron, cet apaisement semble avant tout passer par un retour sur scène. Après des mois de discrétion, Emmanuel Macron a ainsi choisi de saturer l’espace médiatique. Notamment récemment, avec quatre entretiens en l’espace de six jours, dans le Parisien, l’Opinion, Challenges, ou encore le JT de TF1 lundi soir. Avec toujours le même mot d’ordre : « On avance et il y a une détermination […], le pays continue à créer » des richesses, a-t-il lancé lors de son entretien télévisé, insistant sur la baisse du coût du travail pour attirer les investisseurs. « Même quand il y a des contestations, on ne change pas, on ne fait pas de tête à queue », a-t-il plaidé.

En parallèle, le président s’est démené sur le terrain, comme pour ajouter une dimension physique à cette stratégie. Un bain de foule chahuté en Alsace, un marché du Jura, un lycée professionnel de Charente-Maritime, une usine du Nord pour vanter la réindustrialisation, une visite de l’Institut Curie à Saint-Cloud… « Est-ce qu’il y a une forme d’incompréhension du président avec les Français ? Oui. Est-ce une fatalité ? Non. L’apaisement, ça ne se décrète pas. Ca se travaille et c’est ce que nous faisons », balaie Prisca Thevenot, députée des Hauts-de-Seine et porte-parole Renaissance.

Cette volonté affichée d’apaisement après une crise n’est d’ailleurs pas nouvelle à l’Elysée. Le président de la République l’avait déjà évoquée après la séquence des « gilets jaunes » ou après la période de confinement liée au Covid-19. « Je ne sais pas si le mot d’apaisement est approprié ici. Les cent jours d’apaisement, ce sont en réalité cent jours de relance. Le président montre qu’il n’a rien perdu de son envie de réformer », abonde François Patriat, le patron des sénateurs macronistes. « D’accord, il est mal aimé et critiqué, mais il est sur tous les fronts et fait le job comme personne », dit-il.

« Les cent jours ne sont que provocation ! »

Plutôt que l’apaisement du pays, Emmanuel Macron a donc surtout repris en main l’agenda médiatique, promettant « l’accélération » des réformes et multipliant les annonces budgétaires ciblées sur les enseignants ou les classes moyennes. Ces dernières semaines, le chef de l’Etat n’a d’ailleurs pas vraiment pris de gants pour évoquer la mobilisation sociale toujours en cours, avec une nouvelle journée de manifestation prévue le 6 juin prochain. « Les casseroles et les œufs, c’est pour faire la cuisine », a-t-il raillé lors d’un déplacement mouvementé fin avril. « Tous ceux qui contribuent au déni de réalité [sur les retraites] préparent l’arrivée des extrêmes », a-t-il ajouté dimanche dans l’Opinion. Des petites phrases, ou son clin d’œil à sa déclaration sur  »le travail au coin de la rue », qui n’ont pas manqué d’agacer ses opposants.

« Le président de la République s’était donné cent jours pour apaiser [la] colère [des Français], une colère immense. Il a été une fois de plus dans le déni de cette réalité. Les cent jours ne sont que provocation ! », a tancé le député communiste Jean Chassaigne à l’Assemblée mardi. « Il se montre beaucoup, il est très bavard mais se parle à lui-même. Il reste le président du mépris, qui trouve toujours le moyen d’humilier tous ceux qui peuvent être contre lui », a ajouté son collègue du PCF Sébastien Jumel.

L’intéressé a pris le soin de balayer cette image de « mépris » lors de son interview lundi soir sur TF1, défendant son activité au contact des Français. Malgré ces « efforts » pour apaiser, un élu proche du président a, pour finir, une explication toute personnelle : « Pour certains Français, le président est trop brillant, trop je sais tout, trop affirmatif. Ce qui est parfois pris comme de l’arrogance, c’est une supériorité de l’esprit ».