France

Education : Pourquoi la rénovation des établissements scolaires est-elle un chantier gargantuesque ?

Des épisodes qui ont marqué les esprits. En 2019, les épreuves du brevet avaient été reportées en raison de la canicule. L’an dernier, les épreuves écrites du bac avaient aussi eu lieu lors d’une vague de chaleur, d’où les consignes strictes données aux chefs d’établissement pour limiter les désagréments. Ce n’est pas tout : cet hiver, plusieurs médias ont relayé des cas d’établissements scolaires très mal isolés, dont un lycée d’Aulnay-sous-Bois où le thermomètre ne dépassait pas les 11 °C.

En réaction, Emmanuel Macron a annoncé le week-end dernier, dans une interview au Parisien, un « grand plan » de rénovation énergétique des établissements, avec des aides financières à la clé pour en finir avec les passoires thermiques. L’enjeu est de taille puisque les établissements scolaires représentent 40 % des bâtiments publics. Le président n’est pas le seul à se saisir du sujet, le Sénat ayant lancé une mission d’information sur « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique », dont les conclusions seront rendues fin juin.

Près de 10 % des établissements très vétustes

Ce sera l’occasion de faire un premier diagnostic de l’état du bâti scolaire, car il n’existe aucun état des lieux général concernant les 48.557 écoles, 6.962 collèges et 3.716 lycées de France. Notamment parce que leur rénovation et leur entretien relèvent des prérogatives de collectivités territoriales différentes (les communes pour les écoles, les départements pour les collèges, les régions pour les lycées). Interrogé par 20 minutes, le ministère de l’Education déclare que selon sa cellule « bâti scolaire », qui s’est entretenue avec des associations d’élus et près de 300 collectivités territoriales, « la part d’établissements scolaires présentant une vétusté importante est évaluée à 10 %. Et la part de ceux ayant déjà bénéficié d’une rénovation énergétique est estimée à 20 %. ». Ce qui ne signifie pas que les autres écoles, collèges et lycées ne nécessitent pas de travaux.

Nadège Havet, sénatrice du Finistère, est la rapporteure de la mission d’information du Sénat : « La situation est très disparate d’un établissement à un autre. Et une école qui a 100 ans peut être moins énergivore qu’un collège qui en a 20. » De son côté, Delphine Labails, maire de Périgueux et coprésidente de la commission éducation de l’AMF (Association des maires de France), constate que « Marseille est l’une des communes où le bâti scolaire est le plus détérioré. »

Des travaux très importants à prévoir

Dans les écoles, collèges et lycées qui doivent subir un sérieux lifting, les travaux à prévoir sont importants : isolation, changement des modes de chauffage, travaux de ventilation, remplacements des éclairages par des LED, création d’îlots de fraîcheur dans les cours, voire installation de panneaux photovoltaïques.

« Un projet de rénovation, c’est aussi l’occasion de s’interroger sur les usages des locaux avec les enseignants. Dans certains établissements, on n’a pas forcément besoin d’autant de classes, mais de classes plus grandes pour assurer 3 m2 par élève. Car la crise du Covid-19 a souligné l’impossibilité d’assurer la distanciation sociale dans certains bâtiments », souligne Nadège Havet. Delphine Labails abonde : « Il ne faut pas se limiter à la rénovation des classes et à la végétalisation de la cour, mais revoir aussi la cantine, les sanitaires… Et adapter les locaux à tous types de handicaps (moteur, visuel, auditif…). »

« Ce sont des sommes pharaoniques qu’il faut prévoir »

De multiples travaux qui font flamber l’addition. Delphine Labails cite un exemple : « La rénovation d’une école composée de 5 classes, d’une cantine, d’une cour, d’une salle polyvalente coûte 3 millions d’euros. » Nadège Havet a elle aussi fait les comptes : « Il faut compter entre 350 et 450 euros du mètre carré. Ce sont des sommes pharaoniques qu’il faut prévoir. Il faudrait 40 milliards pour rénover tout le bâti scolaire français sur dix  ans, soit 4 milliards par an ».

Pour financer les travaux, plusieurs dispositifs existent. Les collectivités territoriales peuvent tout d’abord solliciter la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID). Des financements qui représentent 2 milliards d’euros par an depuis 2018, selon le Rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires publié en 2020. Selon le ministère de l’Education, « le volet de rénovation énergétique du plan de relance a aussi permis de financer la rénovation énergétique de 3.500 écoles en 2021 et 2022, pour un investissement total de près de 2 milliards d’euros ».

De grandes attentes des collectivités

Pour l’heure, toutes ces aides semblent insuffisantes.  « Pour les écoles, les travaux sont saucissonnés au gré des financements que les communes peuvent débloquer. Et les plus petites communes souffrent d’un manque d’ingénierie pour mettre en place ces travaux », note Nadège Havet. Pour toucher telle ou telle dotation, les maires doivent en effet répondre rapidement à des appels à projet, ce qui n’est pas toujours possible, faute de temps ou d’expertis à disposition. Des collectivités hésitent aussi à investir massivement dans certains établissements, parfois suspendus au risque de fermeture en raison de la baisse démographique.

C’est dire à quel point elles fondent de grandes espérances dans le plan annoncé par Emmanuel Macron. « Cela faisait deux ans que l’on demandait un tel dispositif pour rénover les écoles. Nous serons vigilants à ce que les communes rurales bénéficient du même accompagnement que les grandes villes », prévient Delphine Labails. « Il faut aussi que les petites communes puissent s’appuyer sur des conseillers en énergie partagée, pour les aider à faire un diagnostic des travaux les plus urgents à réaliser et à monter des dossiers de demandes de financement », insiste Nadège Havet.