France

Deux ans après l’obligation légale, la France compte près de 4,5 millions de vélos identifiés

« Je me suis déjà fait voler deux vélos, dont un à 1.000 balles que j’aimais beaucoup. J’ai porté plainte mais il n’a jamais été retrouvé. Je peux vous dire que ça fait mal ». Passionné de bicyclettes, Vincent est devenu un spécialiste de la lutte contre le vol. Membre de l’école de vélo de Rennes Roazhon Mobility, il intervient régulièrement dans les quartiers populaires pour initier les habitants à la pédale. « Tous les gens que l’on voit, ils nous parlent du vol de vélos. Même dans les caves, même avec un bon cadenas, ils peuvent se les faire tirer. C’est une réalité sociale ». Certains préfèrent les ranger sur leur balcon mais ils prennent de la place et ne descendent finalement plus souvent. Véritable frein à la pratique du vélo, le vol est un véritable fléau que les autorités ne parviennent pas à contenir. La France a pourtant frappé fort en janvier 2021 quand elle a rendu obligatoire l’identification de tous les vélos neufs vendus par les professionnels. Depuis juillet 2021, cette mesure est également obligatoire pour les vélos d’occasion revendus par tout distributeur agréé, y compris les enseignes comme Cash Converters par exemple.

Adoptée dans le cadre de la loi d’orientation sur les mobilités, la mesure était réclamée depuis des années par les associations de promotion du vélo. Le constat était simple. D’après les chiffres du ministère de l’Intérieur, plus de 300.000 vélos avaient été volés en 2018. Environ 100.000 avaient été retrouvés mais seuls 7 % avaient pu être restitués. Car sans identification, impossible pour les policiers, gendarmes ou les particuliers de savoir à qui les ramener. « Plus on va les marquer, plus on va les retrouver, c’est certain », assure Patrick Guinard, président de l’Association de promotion et d’identification des cycles (Apic). Nommée par le ministère pour gérer le fichier unique en Europe, l’Apic a vu le nombre de vélos identifiés grimper en flèche depuis 2021. En avril 2023, le fichier contenait 4,425 millions de vélos, soit environ 30 % des vélos en circulation en France. « On estime qu’il y a environ 30 millions de vélos en France mais que la moitié ne roule pas et reste à croupir dans les caves », explique le président de l’Apic. Avant l’obligation légale, un peu plus de 600.000 vélos avaient déjà été marqués ou gravés via le système Bicycode. Depuis, sept opérateurs (dont Bicycode) ont été agréés pour apposer la fameuse étiquette.

Deux ans après la promulgation de la loi, le système a déjà fait preuve de son efficacité : le pourcentage de vélos restitué a progressé, passant de 7 % à presque 11 %. La réalité est même sans doute bien meilleure car pour être comptabilisé comme restitué, un vélo doit d’abord être déclaré comme volé sur le fichier de l’Apic. « Avec l’identification, beaucoup de gens retrouvent leur vélo eux-mêmes. Ça fait peur à plein de petits voleurs », assure le président de l’Apic. Outre son importance dans la restitution, le numéro collé ou gravé sur le cadre est aussi un moyen de lutter contre le vol.  « Le numéro d’identification doit être bien visible sur le cadre, c’est essentiel qu’il soit vu. Il n’empêche pas le vol mais il dissuade », explique Armande Cocquerez, coordinatrice de Rayons d’action.

30 euros le marquage, mais parfois moins

Depuis des années, son association milite pour l’identification en proposant le gravage à un prix abordable (10 euros contre 30 euros en magasin). Cet après-midi d’avril, Rayons d’action avait même proposé un gravage gratuit (enfin, payé par Rennes Métropole) pour encourager les particuliers à identifier leurs deux-roues. « Mon vélo, j’y tiens. Je fais pas mal de trajets avec et je n’ai pas envie qu’on me le pique. Je voulais le marquer depuis longtemps mais je n’avais pas pris le temps. Je pense que ça peut dissuader et que ça peut aider à le retrouver s’il est volé », témoigne Béatrice, venue graver son Gitane de ville. C’est après que son mari s’est acheté un vélo neuf, qui était donc gravé, que la cycliste de Vezin-le-Coquet s’était décidée. Preuve que l’obligation légale a un effet. « Il faut que ça devienne un réflexe pour les usagers », assure la coordinatrice de Rayons d’action.

Les chiffres de l’Apic montrent d’ailleurs que les vendeurs professionnels ne sont pas les seuls à graver les vélos. Alors que 1,9 million de vélos adultes neufs (les vélos enfants ne sont pas soumis au marquage obligatoire) ont été vendus en 2022, le fichier de l’Apic a enregistré 2,1 millions nouveaux inscrits. « L’objectif, ce serait qu’on arrive à 100 %. Ce n’est que comme ça que nous pourrons lutter contre le recel (la revente d’objets volés). Si ceux qui volent des vélos n’arrivent plus à les revendre, alors on aura tout gagné car ils ne seront plus volés. Il suffit de réclamer le numéro d’identification », assure Patrick Guinard.

Le problème de la revente sur Le Bon Coin

Reste un point noir majeur qu’il faudra régler. Sur Le Bon Coin, le numéro d’identification est demandé, mais il n’est pas obligatoire, permettant à n’importe qui de revendre un vélo volé. S’il est marqué ou gravé, il lui faudra alors se débarrasser des traces du code d’identification. « Ce n’est pas impossible mais ça laisse des marques. C’est pour ça que nous préférons le gravage au simple marquage. Bientôt, chacun aura le réflexe mais il faut le faire connaître. Demander le numéro d’identification, ça permet à chacun de vérifier que le vélo n’a pas été volé », assure Angèle Radjagobal, responsable de la filière Bicycode à la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB). L’autre limite de l’identification concerne les territoires limitrophes. Le système étant uniquement obligatoire en France, il ne fonctionne pas à l’étranger. Il suffit pour les frontaliers de se rendre en Belgique, en Espagne ou en Italie pour faire disparaître un vélo dérobé. « Les voisins nous regardent. Nous sommes en discussion mais c’est un sujet qui devient politique », glisse le président de l’Apic dans un sourire.