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Cyclisme : Tadej Pogacar est-il définitivement devenu imbattable, après son triomphe dès son premier Paris-Nice ?

Avec neuf victoires en treize jours de course depuis le début de la saison, Tadej Pogacar a lancé 2023 sur des bases assez irréelles. A titre de comparaison, le brillant vainqueur de Paris-Nice dimanche ne comptait « que » six succès à la même époque l’an passé. A 24 ans, le Slovène d’UAE Team Emirates semble donc plus injouable que jamais sur les courses à étapes, comme en atteste son 13/14 en carrière au classement général de ces épreuves, avec une exception de taille sur le Tour de France 2022. Mais même Jonas Vingegaard, son tombeur sur la Grande Boucle, ne pouvait que saluer sa supériorité après avoir bouclé Paris-Nice à la troisième place, avec 1’39 » de retard.

« Quand il a attaqué, tout le monde s’est dit : « Waouh, je ne vais même pas essayer d’aller avec lui » », a-t-il lâché après l’ultime démonstration de « Pogi » pour empocher dimanche sa troisième victoire d’étape sur Paris-Nice. Un récital qui pousse Julien Jurdrie, directeur sportif d’AG2R Citroën, à des comparaisons : « On voit que cette saison, personne ne parvient à arrêter Johannes Boe et Kylian Mbappé. Tadej Pogacar est un peu un phénomène comme ça. Il est encore jeune et ses performances augmentent de 2-3 % chaque saison. Il ne s’éparpille pas, on sent qu’il dégage beaucoup de sérénité, comme un Eddy Merckx. Il nous donne souvent mal à la tête mais sa décontraction fait du bien au vélo. »

« J’ai été scotché dans ma bagnole »

Sa polyvalence extrême ne laisse en tout cas que des miettes à la concurrence, tant il semble jusque-là bien plus armé que Jonas Vingegaard pour l’emporter partout où il s’inscrit. Le double vainqueur du Tour de France l’a notamment prouvé lors du Tour des Flandres 2022, où il n’a été battu qu’au sprint par Mathieu van der Poel. Julien Jurdrie raconte l’impression que lui avait laissé « Pogi » ce jour-là, sur un profil de course pour lequel il ne semblait pas du tout destiné.

« C’était sa première participation et j’ai été scotché dans ma bagnole devant son sacré numéro. Van Aert et van der Poel ne doivent pas être bien contents de voir son nom dans la start list pour 2023 car il devient autant favori qu’eux sur cette course. »

Pour autant, Aurélien Paret-Peintre (11e au général à 7’28 ») et quatrième devant Jonas Vingegaard à la Loge des Gardes (4e étape) a symbolisé la semaine passée « le visage offensif » d’AG2R Citroën. Un autre coureur tricolore, David Gaudu, s’est encore davantage illustré pour tenter de contrecarrer le premier Paris-Nice du Slovène, déjà déchaîné trois semaines plus tôt sur le Tour d’Andalousie. « « Pogi » est hors norme, il maîtrise son sujet comme personne. Mais malgré sa supériorité manifeste, on arrive à se rapprocher de lui », résume Philippe Mauduit, directeur sportif de Groupama-FDJ.

« On ne s’imaginait pas être aussi proches »

Car David Gaudu, deuxième au général dimanche à seulement 53 secondes de la victoire finale (il n’était même qu’à 12 secondes avant la dernière étape), a confirmé qu’il avait son mot à dire dans des courses majeures, malgré un rival en apparence imbattable. « On ambitionnait un podium mais on ne s’imaginait pas être aussi proches au général de Paris-Nice, poursuit Philippe Mauduit. C’est abyssal d’avoir réduit l’écart sur la tête de 13’39 » [et 11 minutes par rapport à Pogacar] à moins d’une minute entre le Tour de France 2022 et Paris-Nice. Ça dit le travail super intéressant de David Gaudu et de toute l’équipe. » Faut-il voir là une faiblesse encore accrue du collectif d’UAE Team Emirates, qui avait laissé son leader livré à lui-même au milieu de l’armada Jumbo-Visma dans le col du Granon l’été dernier ?

« Non, l’équipe UAE a des moyens relativement illimités et les recrutements cette saison de Tim Wellens et de Felix Grossschartner ont été de vrais soutiens à « Pogi » sur Paris-Nice », estime Philippe Mauduit. Malgré ce talon d’Achille en apparence gommé pour reconquérir la Grande Boucle, le 23 juillet sur les Champs-Elysées, UAE peut compter, outre l’inévitable Jumbo-Visma, sur la concurrence d’une Groupama-FDJ déterminée à poursuivre sa montée en puissance. « Le Tour de France 2022 a été fondateur afin de créer un esprit de groupe, révèle son directeur sportif. On ne subit plus la course, on la fait. L’attitude du peloton change aussi par rapport à notre équipe, qui est entrée dans le cercle des formations les plus respectées. Notre ambition est vraiment d’aller chercher la gagne. Les tristes années du cyclisme français, dans lesquelles les coureurs se savaient battus d’avance, sont finies. On a désormais des coureurs sans complexe. » Même face à l’un des plus intouchables champions de la discipline, donc.