France

Couronnement de Charles III : Mais pourquoi Charles est-il aussi connu comme duc de Normandie ?

« Lé Rouai, Nouot’Duc ». Voilà une phrase que vous risquez d’entendre si vous vous rendez dans un pub sur l’île anglo-normande de Jersey, samedi, jour du sacre de Charles III. Les îliens, sujets de Charles, ont une façon bien à eux de célébrer leur souverain – et sa mère la reine Elisabeth avant lui. « Lé Rouai, Nouot’ Duc », clament-ils en jersiais, le dialecte normand encore parlé à certaines occasions sur l’île, connue pour la douceur de son climat et de sa fiscalité.

Si l’on comprend qu’ils portent un toast à leur roi – ou « rouai » –, pourquoi l’appeler aussi Duc ? C’est parce que le souverain britannique y est encore connu de manière informelle par un titre ancien, celui de duc de Normandie – c’est même attesté par le site officiel de la famille royale. Charles règne sur Jersey car il est le roi d’Angleterre, mais lors de sa proclamation à Jersey, le bailli l’a plusieurs fois nommé duc, rappelle à 20 Minutes Luke Davis, un passionné d’histoire membre de la Société Jersiaise.  « Sa Majesté le Roi Charles III est assis sur le trône et est notre souverain, notre Duc », a ainsi lancé le bailli, Timothy Le Cocq.

Alors non, cela ne signifie pas que Charles et Camilla ont le droit de faire planter l’Union Jack sur le Mont-Saint-Michel. « Nos amis français, nos amis normands, peuvent dormir sur leurs deux oreilles en sachant que les Anglais ne vont pas essayer de les envahir après le couronnement ! », plaisante Luke Davis.

Pour comprendre comment le souverain britannique peut encore être connu de manière informelle avec ce titre, il faut faire un bond de près de 1.000 ans en arrière. En 1066, Guillaume, duc de Normandie, débarque en Angleterre et réussit à se faire couronner roi. Mais la Normandie conserve ses liens avec les rois de France, comme le rappelait l’avocat Paul Matthews dans un long article sur la question : « À l’époque de la Conquête, la Normandie faisait partie de la France et les ducs de Normandie étaient (au moins nominalement) des vassaux des rois de France ».

Jusqu’en 1204, l’année où Philippe Auguste, le roi de France, s’empare de la Normandie, les rois d’Angleterre sont aussi « dans un sens réel et significatif » ducs de Normandie, écrit Paul Matthews. Les îles anglo-normandes restent ensuite dans l’escarcelle des rois d’Angleterre. « Le roi Jean [d’Angleterre] accorde aux îles anglo-normandes des privilèges spécifiques en échange de leur loyauté, après que Jean a perdu les terres dont il jouissait auparavant en France », précise Luke Davis.

Cinquante ans plus tard, en 1259, le « roi [d’Angleterre] Henri III abandonne officiellement le titre de duc de Normandie avec le traité de Paris », ajoute Luke Davis. Depuis, le titre est tombé en désuétude. Il ne fait pas partie des titres officiels du roi Charles, qui ont été proclamés à Londres le 10 septembre 2022.

Charles III s’est rendu à plusieurs reprises en Normandie lorsqu’il était prince de Galles. En 1987, accompagné de Lady Di, il avait visité le musée de la Tapisserie de Bayeux, qui raconte la conquête de l’Angleterre en 1066. Il doit se rendre à nouveau en France cet été, après qu’une visite prévue en mars a été annulée.