France

Congrès du PCF : Entre sympathie et « provocations », Fabien Roussel trace sa route à distance de la Nupes

« On est toujours en campagne ». Fort d’un plébiscite interne en janvier, Fabien Roussel a ouvert en position de force le 39e congrès du Parti communiste français, ce vendredi, à Marseille. « C’est la fierté du PCF de jouer pleinement son rôle dans cette période. C’est aussi de notre responsabilité à travailler à un débouché politique », a-t-il lancé. Un après la présidentielle, le communiste n’a pas changé. Entre provocations et tacles à la Nupes, Fabien Roussel continue de tracer son sillon à gauche.

« Ce qu’il fait est utile »

C’est le paradoxe et la force de Fabien Roussel : le candidat communiste a, de l’aveu même de ses adversaires, réussi une jolie campagne présidentielle, permettant de relever le drapeau rouge moribond du parti. Au point de faire oublier son score famélique de 2,28 % obtenu en avril 2022. « Il a été élu de justesse, et de manière inattendue, à la tête du parti en 2018. Mais depuis, il a permis au PCF d’avoir une publicité qu’il n’avait plus depuis longtemps. Lui-même a acquis une image positive dans l’opinion publique, et se place dans le haut du panier des personnalités politiques », analyse Roger Martelli, historien du communisme et ancien membre de la direction du parti.

Ces derniers mois, l’élu du Nord a effectué un « tour de France » sans changer de recette : activité médiatique débordante, gouaille et bons mots, ligne singulière à gauche, jonchée ici ou là de polémiques… Fabien Roussel semble prendre plaisir à tester les limites de ses camarades sur la sécurité, la laïcité, les allocations et la « valeur travail ». Et même la gastronomie ou la chasse. 

« Il a une façon moderne de communiquer, qui fonctionne par interpellations ou provocations. Il s’est donné vocation de secouer la gauche et ses certitudes, c’est ce qui plaît aux gens », relève l’ancien socialiste Emmanuel Maurel, qui l’a soutenu à la présidentielle. « Ce qu’il fait est utile. Si on veut gagner la prochaine fois, il faut aller chercher les abstentionnistes, les classes populaires tentées par le RN, dans les départements industriels ou post-industriels, loin des grandes villes et des banlieues », ajoute l’eurodéputé de Gauche républicaine et socialiste (GRS).

« Il ne veut pas être le second de Mélenchon »

Cette volonté de reconquérir les classes populaires n’est pas isolée à gauche, et rejoint la stratégie d’un François Ruffin (LFI) ou d’un Arnaud Montebourg (ex-PS). C’est donc plutôt l’ambition nationale du patron des communistes qui se heurte de plus en plus à la Nupes et à sa figure tutélaire, Jean-Luc Mélenchon. Cette semaine encore, Fabien Roussel a, une énième fois, irrité le tribun insoumis et ses alliés, jugeant la Nupes « dépassée », et proposant de l’élargir jusqu’au centre-gauche, à l’ancien Premier ministre de François Hollande, Bernard Cazeneuve. « J’ai vu un appétit pour une gauche nouvelle et qui ne se résume pas à Jean-Luc Mélenchon », résume-t-il dans l’Express. 

Le député LFI Alexis Corbière l’a appelé « à cesser de dénigrer régulièrement » la coalition de gauche. « En s’y attaquant, sans autre objectif que d’avancer leurs petites personnes, les Cazeneuve, Delga, Hidalgo, Roussel & compagnie ont clairement choisi leur camp. Il n’est pas celui de la gauche », a aussi fustigé sa collègue insoumise Danièle Obono. A Manuel Bompard, le coordinateur de LFI, qui a demandé aux communistes de « clarifier » leur position, Fabien Roussel a répondu vendredi sans détour : « Mêlez-vous de vos affaires (…) Personne ne dictera aux communistes ce qu’ils doivent voter, faire et choisir ».

Si l’épisode a suscité des remous jusqu’au sein du Parti communiste, Fabien Roussel devrait être réélu sans peine secrétaire national à l’issue du congrès, lundi. Une étape vers ce qu’il espère être son destin national. « Fabien n’a pas envie d’être le second de Mélenchon et ne le sera pas. Il continue de faire entendre cette voix singulière pour devenir la figure incontournable à gauche », veut croire l’un des soutiens. Dans un sondage Ifop pour le journal L’Humanité publié ce vendredi, 54 % des interrogés le jugent sympathique et 45 % estiment qu’il modernise le parti.

En première ligne dans la bataille contre la réforme des retraites, l’ancien candidat à la présidentielle est même devenu la personnalité de gauche la plus appréciée chez l’ensemble des Français dans plusieurs sondages ces derniers mois. Mais les intentions de vote en sa faveur restent loin, très loin de celles allant à Jean-Luc Mélenchon. « L’image ne fait pas le vote. Le PCF reste ces dernières années dans de très basses eaux électorales, entre 2 et 3 %. Son assise locale s’est étiolée, et le nombre de militants, à 40.000, reste important mais en baisse », avance Roger Martelli. « Fabien Roussel essaye de dégager le PCF de la dépendance à LFI, au risque de fragiliser la Nupes et donc la gauche », dit-il. En partie relevé, le drapeau rouge n’a pas fini de faire jaser.