France

Cinq ans après la mort de Rose Laurens, des inédits confirment qu’elle était plus que la chanteuse d’« Africa »

« C’est exactement comme une pochette-surprise, on ne sait jamais ce que l’on va y trouver », glisse Jean-Marc D’Angio en saisissant l’une boîte des boîtes cartonnées grises, carrées et peu épaisses placées devant lui. A l’intérieur, des bandes magnétiques, dont certaines ont atteint la cinquantaine. Seule certitude : elles ont immortalisé la voix de Rose Laurens. Expérimentations ou maquettes finalisées, la grande majorité de ces chansons n’ont jamais été publiées.

Des boîtes cartonnées comme celle-ci, il y en a des dizaines que la chanteuse, décédée il y a cinq ans à l’âge de 67 ans, a laissées dans la cave parisienne de sa mère Germaine. Jean-Marc D’Angio et l’équipe de Rose Laurens Souvenirs ont alors entrepris de mettre au jour ces archives précieuses au fil des mois. Après Chaleur Humaine l’an passé et Où va le temps en janvier, c’est au tour de Real Love, un troisième recueil d’inédits d’arriver sur les plateformes de streaming ce vendredi.

« On se dit que ce n’est pas possible qu’ils n’aient pas sorti un morceau pareil »

« Avec son mari, le compositeur Jean-Pierre Goussaud, Rose avait réellement en commun la passion de la musique. Ils avaient un studio à la maison. Il lui disait : « J’ai composé ça, tu veux poser ta voix dessus » ? », raconte Jean-Marc d’Angio, ancien journaliste lié par une forte amitié avec Rose Laurens depuis qu’il l’a interviewée en 1996. La maman confirme : « J’ai assisté à pas mal de ces enregistrements. Jean-Pierre me disait : « Venez vous me donnerez votre avis ! » » « Ils étaient dans une bulle et n’avaient pas la distance pour savoir quel titre était bon ou non. Quand on en écoute certains, on se dit que ce n’est pas possible qu’ils n’aient pas sorti un morceau pareil », s’étonne encore Jean-Marc d’Angio.

Il suffit de se pencher sur ces inédits pour prendre conscience que Rose Laurens est bien plus que l’interprète du tube de 1982 Africa ou que la première Fantine de la comédie musicale Les Misérables. De là à dire que sa carrière aurait pu être complètement différente, il y a un pas que franchit son ami : « Le problème, c’est que Jean-Pierre et elle sont souvent tombés sur des producteurs qui voulaient faire des coups, et répliquer le succès en éditant des Africa bis. » Mamy Yoko, édité en 1983, en est un exemple flagrant. « Rose a toujours abordé plusieurs styles de musique, souligne Aurélien Saunier, créateur du site Pop Music Deluxe, qui fait également partie de l’aventure. On constate que voix va sur tout : folk, pop, variété, dance et même sur de la country ! »

Chaque bande retrouvée à la cave renferme donc son lot de surprises qui se révèlent à force de patience. Les appareils permettant de les lire sont introuvables en France et les bandes, attaquées par la moisissure, ont besoin d’un sévère nettoyage. C’est en Suisse que Rose Laurens Souvenirs fait opérer ce toilettage et la numérisation.

Une chanson destinée à Marie Laforêt

Parfois, les trouvailles permettent de lire sous un nouvel angle l’histoire de la chanson française. « Au début des années 1970, Michel Berger a voulu écrire pour Rose Laurens. Dans les enregistrements retrouvés, on peut entendre ce qui deviendra finalement Amoureuse, le premier album de Véronique Sanson et dont Rose avait auparavant chanté les chansons à l’identique ou sous d’autres formes », avance Aurélien Saunier.

Il poursuit : « Parmi les inédits mis en ligne, il y a La petite fille qui neigeait. Jean-Pierre Goussaud l’avait écrite pour Marie Laforêt. Rose avait l’habitude d’aider son mari en chantant les morceaux pour les maquettes qu’il proposait à d’autres. Mais quand elle a fait les essais sur cette chanson, elle a dit : « Je la garde, elle me plaît trop ». Elle lui plaisait tellement qu’elle n’est jamais sortie. »

« On ne fait pas ça pour le pognon »

Le titre que les fans trépignaient de découvrir est Real Love : « C’est l’un des plus récents, il a été écrit par Carole Fredericks. Rose Laurens l’a enregistré, elle voulait le sortir mais elle a été accaparée par le spectacle musical L’ombre d’un géant et le titre est resté de côté », précise Jean-Marc d’Angio.

L’artiste serait-elle cependant heureuse que ces enregistrements soient ainsi proposés aux oreilles du public ? L’ami de la chanteuse admet ne pas avoir la réponse. La mère de Rose Laurens le rassure : « Oui, elle aurait été contente si elle avait su que cela correspondait au goût de Jean-Marc en qui elle avait totalement confiance. »

Ce dernier assure ne pas vouloir éditer des titres sans réflexion préalable : « Il faut qu’il y ait un intérêt, que cela apporte quelque chose. » Pas de place donc pour les chansonnettes jugées anecdotiques. « On ne fait pas ça pour le pognon, insiste Jean-Marc d’Angio. On est bénévoles. Le but, c’est de faire plaisir aux gens et, surtout, que l’artiste ne soit pas oubliée. Ne plus rien sortir, c’est la faire mourir une seconde fois. »