France

Anticor dénonce un détournement de biens publics au détriment du régime de garantie des salaires

Un « système frauduleux », dénonce Anticor. L’association anticorruption a demandé l’élargissement des investigations dans l’affaire AGS, soupçonnant des détournements de biens publics d’une quinzaine de milliards d’euros au moins au détriment de ce régime qui garantit les créances salariales dans des entreprises défaillantes, a indiqué mercredi l’avocat d’Anticor, Jérôme Karsenti.

Selon l’association, certains mandataires judiciaires ont pu profiter d’une « absence de contrôle » de l’AGS pour détourner des fonds, explique-t-elle dans sa constitution de partie civile adressée mardi au tribunal de Paris et consultée par l’AFP.

15 milliards d’euros de préjudice

Une information judiciaire est déjà en cours à Paris, après des plaintes contre X déposées en 2019 par l’Association pour la gestion du régime de garantie de créances des salariés (AGS, organisme patronal), la délégation Unédic AGS (DUA), le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) pour corruption, abus de confiance et prise illégale d’intérêts. Anticor souhaite que le juge d’instruction soit également saisi pour détournement de biens publics : elle estime à plus de 15 milliards d’euros le préjudice subi par l’AGS entre 2009 et 2022.

Créée en 1974, l’AGS joue un rôle d’amortisseur. En cas de difficultés d’une entreprise (redressement, liquidation…), ce régime, alimenté par des cotisations patronales obligatoires, octroie des avances pour régler les sommes dues aux salariés, par l’intermédiaire de mandataires judiciaires. Puis l’AGS est remboursée – en général partiellement – si le plan de redressement ou la vente des actifs en cas de liquidation le permet.

Un détournement en plusieurs étapes

Anticor soupçonne des détournements lors des différentes étapes du processus. D’une part, avant 2019, des mandataires judiciaires pouvaient demander des versements d’avances sans que l’AGS ne vérifie si l’entreprise défaillante en avait réellement besoin, selon Anticor. Depuis, un contrôle a été mis en place et de nombreuses demandes refusées (pour plus de 55 millions d’euros d’avances depuis octobre 2020, selon Anticor). « Ces demandes d’avances injustifiées, sur présentation d’éléments mensongers (…) caractérisent l’infraction de détournement de biens », estime Anticor.

D’autre part, une fois les demandes d’avances approuvées, l’association « a la certitude qu’une partie des fonds, qui doivent être versés aux salariés, ne leur arrive pas », a expliqué à l’AFP l’avocat de l’association, qui accuse certains mandataires d’avoir détourné a minima 700 millions d’euros.

Autre méthode soupçonnée : le non remboursement de l’AGS. Les entreprises défaillantes doivent transmettre leurs actifs disponibles aux mandataires judiciaires en vue de rembourser l’AGS. Mais Anticor soupçonne des mandataires d’émettre des « certificats d’irrecouvrabilité mensongers » pour garder « dans leur poche » le produit de la vente des actifs. Enfin, Anticor dénonce l’ancien principe de « labellisation ». Ces labels, attribués « au doigt mouillé », permettaient à de nombreuses études de voir leurs frais avancés sans « véritable contrôle », selon Me Karsenti.