France

Agriculture : Les arbres fruitiers sont branchés par le froid

Vous vous gelez en ce mois de janvier sur des trottoirs trop gris ? Consolez-vous en pensant aux bons fruits d’été que vous allez pouvoir manger. La quantité de froid emmagasinée pendant l’hiver par les arbres fruitiers est en effet essentiel à leur bon développement. « Le froid actuel est bénéfique pour nos arbres fruitiers, explique Jean-Jacques Kelner, écophysiologiste et maître de conférences à SupAgro Montpellier. Ça devrait donner une reprise de croissance plus efficace au printemps. » Une bonne nouvelle après un mois de décembre historiquement chaud.

« Les arbres ont besoin d’un quota de froid pour se réveiller de la dormance dans laquelle ils sont entrés à l’automne pour se protéger du froid », poursuit le chercheur. Et pour ça, ils disposent d’une sorte de compteur interne. « En fait le froid c’est un repère. La plante va pouvoir savoir si elle se trouve au début au à la fin de l’hiver ». Un mécanisme au fonctionnement encore un peu mystérieux pour les chercheurs. « Nous, chercheurs, on a modélisé ça en heures de froid, mais en vrai on ne sait pas trop comment la plante compte », admet Jean-Jacques Kelner.

Perte de rendements

Selon des chiffres avancés par le CTIFL (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes), un abricotier a besoin de 400 à 600 heures de froid par hiver, les pêches de 350 à 900, selon les variétés. Plus réservé le chercheur, n’avance pas de chiffre. « En fait, une heure de froid à 7 degrés, n’est pas équivalente à une heure de froid à 3 degrés, par exemple ».

Une alchimie complexe sans laquelle le « débourrement », moment où les bourgeons végétatifs et floraux des arbres se développent pour laisser apparaître leurs premières feuilles et jeunes fruits, se passe mal. « Sur des pommiers qu’on a mis dans des conditions un peu trop chaudes, au Brésil, par exemple, le débourrement n’est pas bon. Il y a une perte de rendement. Tous les bourgeons ne sortent pas », a-t-il observé. Car à vrai dire, les bourgeons sont en fait présents dès l’hiver et c’est justement cette enveloppe qui protège les fruits du froid.

« Il y a donc un bon et un mauvais froid »

Et si le débourrement est initié, à l’inverse, par une certaine quantité de chaleur reçue, « le manque de froid affecte le nombre de bourgeons qui sont débourrés et la dormance se lève mal. » Dès lors, si les températures se réchauffent trop rapidement, les fruitiers sont en plus exposés aux gelées tardives. Ce fut le cas en avril 2021 en Provence, avec une perte importante de rendement et des prix pour le consommateur qui s’étaient envolés. Une enveloppe de 23 millions d’euros avait été distribuée à des exploitants des Bouches-du-Rhône au titre du régime de calamité agricole.

« Il y a donc un bon et un mauvais froid », sourit Jean-Jacques Kelnel. Un défi pour les exploitants agricoles au regard du réchauffement et du dérèglement climatique. « Dans les zones méditerranéennes, on se retrouve déjà à la limite de l’impact climatique à cause des températures hivernales qui sont trop douces et qui risquent de ne pas lever la dormance. C’est déjà le cas au Maroc par exemple. Sur les pommiers ou amandiers il y a des décalages de floraison entre variétés, parce qu’en fait, on a besoin de variétés interfécondes pour qu’elles produisent des fruits. »

Une des réponses à cela des agriculteurs est de relever l’altitude des cultures. D’autres envisagent des solutions pour lutter contre des gelées lorsque les fruits sont déjà sortis. Certains de réchauffer le sol avec des bougies, des feux, ou de faire tourner des sortes d’éoliennes qui envoient de l’air plus chaud dans les champs. Mais ces solutions sont coûteuses en énergie. Espérons donc que ce froid perdure encore un peu.