France

A son procès, Terry Dupin, le « forcené de Dordogne », assure qu’il voulait « mourir avec l’uniforme »

C’est d’une voix faible que s’exprime depuis le box Terry Dupin, touché au larynx alors que le GIGN tentait de le neutraliser le 31 mai 2021. Celui que l’on appelle désormais le « forcené de Dordogne » est jugé jusqu’à jeudi devant le tribunal correctionnel de Périgueux pour « violences volontaires aggravées ». L’homme de 31 ans a agressé son ex-compagne et le petit ami de celle-ci (pour lesquels des ITT de quatre jours ont été prononcées), les 29 et 30 mai 2021 à Le Lardin-Saint-Lazare, en Dordogne.

Mis hors de lui par la découverte d’un rival en fouillant le téléphone de son ex-compagne, alors qu’il pense que la vie en commun se profile de nouveau, il va débarquer chez elle en tenue de militaire et armé, terrorisant sa famille avant de « jouer » avec les forces de l’ordre. Détenu à la prison de Gradignan depuis le 10 juin 2021, Terry Dupin avait mobilisé plus de 300 gendarmes avant d’être stoppé au terme d’une traque de trente-six heures.

« J’ai été aveuglée, sous emprise à ce moment-là »

Et ce mardi, face à la justice, le couple revient sur cette terrible nuit, sur leur relation faite de violences. Amandine et lui se sont rencontrés en mars 2013 via Internet. Le couple est loin d’être stable. Ils se séparent et se remettent ensemble plusieurs fois. « C’est une relation tumultueuse avec des infidélités, des jalousies, des violences physiques et verbales », résume la présidente du tribunal Eva Dunand-Fouillade. Terry Dupin a été condamné à quatre reprises pour des faits de violences : « J’ai été aveuglée, sous emprise à ce moment-là, je pensais que c’était mieux pour les enfants qu’ils aient leurs parents ensemble que séparés », justifie le trentenaire.

Ce mardi, il porte un costume noir et arbore une coupe de cheveux « militaire ». Seule une partie supérieure de son crâne n’est pas rasée. Au moment des faits, il devait porter un bracelet électronique depuis le 3 mai 2021 à la suite d’une condamnation et ne pouvait pas résider chez la jeune femme, même s’ils se voyaient, selon lui, régulièrement. « Ce n’était pas de l’amour mais de la possession, témoigne à la barre Amandine Ce n’est pas normal d’être obligée de rester enfermée ou de ne voir personne. » « J’ai beaucoup de regrets sur ce qui s’est passé, concernant les douleurs physiques et psychiques imposées à Amandine et mes fils », avance pour sa part le prévenu.

Le couple qui a trois enfants vivait sous le même toit. Une caméra y avait été installée par Terry Dupin, notamment pour surveiller sa compagne. Le soir du 31 mai, il l’a activée à distance alors qu’Amandine ne répondait plus à ses appels. Il découvre alors qu’elle échange des baisers avec un autre homme. « C’est comme si je n’avais jamais existé », lâchera-t-il lors de son interrogatoire. Fou de rage, il cassera une vitrine chez lui et s’équipera pour débarquer chez elle. A la barre, Amandine explique, elle, qu’il était au courant depuis au moins quinze jours qu’elle avait une liaison.

« On voit un sentiment de toute-puissance »

En arrivant au domicile, Terry Dupin s’en prend alors à Amandine. Il la traîne par les cheveux de la salle de bains au jardin. Il tire entre les jambes du petit ami, sans le toucher. Les enfants assistent en partie à la scène. Quand la présidente lui demande pourquoi il s’est équipé comme pour partir en Opex (opération extérieure en langage militaire), le prévenu répond qu’il voulait « mourir avec l’uniforme ». « Là, ce sont eux qui sont agressés, vous ne dites pas à ce moment-là que vous voulez vous tuer, relève la présidente. Les actes ne sont pas concordants. » « J’étais en colère, peiné, je voulais juste que ça s’arrête », articule difficilement le prévenu qui a menacé de se suicider devant sa famille, en rentrant dans la maison.

Quand les militaires du Psig (Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) arrivent en renfort, Terry Dupin n’envisage pas de se rendre. Il veut éviter à tout prix de retourner en prison. Celui qui a fait l’objet en septembre 2020 d’une interdiction de port d’armes et a rendu une partie de son artillerie. Mais il a conservé une carabine, non déclarée. Et lors de sa cavale, il équipera son gilet tactique de protections balistiques volées dans un véhicule de gendarmerie.

« Je ne voulais pas de blessures partielles mais un tir mortel. Je n’avais pas le courage de le faire moi-même », assure pourtant le trentenaire. Circonspecte, la présidente pointe, elle, qu’il utilise à plusieurs reprises le mot de « jeu » pour évoquer sa cavale et la traque des gendarmes : « on voit un sentiment de toute-puissance, des mises en scène lors de vidéos qui ne signent pas le comportement d’un homme désespéré. » « Je cherchais à provoquer les gendarmes », se défend le prévenu. Selon l’ex-compagne, c’est là le « vrai visage » de Terry Dupin. Si elle ne se prononce pas sur son état suicidaire, Amandine assure qu’il voulait « en découdre ». La jeune femme dira plus tard qu’elle ne le hait pas et qu’elle ne demande pas la peine la plus lourde mais « qu’il soit hors d’état de nuire, qu’il ne fasse plus de mal », insistant sur sa priorité de protéger ses trois enfants.

Terry Dupin encourt jusqu’à quatorze ans de prison, des dommages et intérêts et le retrait de son autorité parentale, demandée par la mère de ses enfants. Et le prévenu de glisser : « ce soir-là j’étais égoïste, je n’ai pas pensé à eux. »