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A Bakhmout, en Ukraine, percée ou pas percée ?

Elle pourrait être surnommée Bakhmout la sanglante. Depuis des mois, cette ville de l’Est de l’Ukraine est devenue l’épicentre des combats entre forces russes et ukrainiennes. Les belligérants affirment tour à tour avoir avancé dans cette localité, sans qu’il soit possible de vérifier avec précision et de façon indépendante leurs dires, dans le brouillard de la guerre. Mais qui détient Bakhmout ? Une contre-offensive est-elle en cours dans la région ? 20 Minutes fait le point pour vous.

Qui détient la ville ?

Après des mois de pilonnage puis des mois de batailles meurtrières, Bakhmout est contrôlée à environ 80 % par les forces russes. La ville, dévastée, s’est vidée de ses habitants – environ 70.000 avant la guerre. Mais si les forces du Kremlin et leurs alliées du groupe paramilitaire russe Wagner contrôlent la majorité de la localité, la bataille est bien plus âpre que prévu. Moscou espérait faire de la capture cette ville de l’Est du pays un symbole de son avancée en Ukraine. Pourtant, les positions semblent très peu mouvantes malgré des déclarations victorieuses régulières de chaque camp.

Ce vendredi, la vice-ministre ukrainienne de la Défense a annoncé que les forces de Kiev avaient avancé de deux kilomètres autour de Bakhmout. « L’ennemi a subi des pertes humaines importantes. […] Nous n’avons perdu aucune position dans Bakhmout cette semaine », a-t-elle ajouté. Ces déclarations interviennent après qu’un autre haut responsable militaire ukrainien a déclaré mercredi que les forces russes avaient reculé de certaines zones proches de Bakhmout suite à des contre-attaques des forces de Kiev.

Mais la Russie a nié jeudi soir toute percée de ses défenses par les forces ukrainiennes. « Les déclarations diffusées par des chaînes Telegram individuelles sur des « percées des défenses » qui auraient eu lieu dans diverses parties de la ligne de contact ne correspondent pas à la réalité », a affirmé le ministère russe de la Défense dans un communiqué. Le ministère russe n’a cependant pas mentionné les informations faisant état d’un recul russe près de Bakhmout, se contentant d’indiquer que « des détachements d’assaut continuent de libérer la partie ouest » de la ville où sont situées les dernières poches ukrainiennes.

Quand pourrait survenir une contre-offensive ukrainienne ?

Depuis des semaines, Kiev prépare une grande attaque pour reconquérir les territoires occupés par la Russie dans l’Est et le Sud du pays. Cet assaut décisif est largement commenté et devrait se dérouler au printemps, sans qu’une date précise n’ait toutefois été divulguée. Après avoir affirmé fin avril que les préparatifs touchaient à leur fin, Kiev a rétropédalé jeudi. Le président ukrainien a assuré dans un entretien diffusé par la BBC que son armée avait encore besoin de temps pour se préparer. « Avec [ce que nous avons], nous pouvons aller de l’avant et réussir. Mais nous perdrions beaucoup de monde. Je pense que c’est inacceptable. Donc nous devons attendre. Nous avons encore besoin d’un peu de temps supplémentaire », a déclaré Volodymyr Zelensky.

Après cet entretien, le patron du groupe paramilitaire russe Wagner a accusé le président ukrainien d’être « malhonnête » dans ses propos car la contre-offensive ukrainienne « bat son plein », d’après lui. « Dans la direction [de Bakhmout], des unités des forces armées ukrainiennes pénètrent sur les flancs et, malheureusement, à certains endroits, réussissent », a affirmé Evgueni Prigojine, dont les hommes sont en première ligne dans cette bataille. « Le plan de l’armée ukrainienne est en action […], toutes les unités qui ont été entraînées et qui ont reçu les armes, les chars et tout le nécessaire sont déjà pleinement engagés » dans les combats, a-t-il ajouté.

Reste que cette opération ukrainienne est en préparation depuis des mois, alors que le front est en grande partie figé depuis l’année dernière, l’essentiel des combats se déroulant pour le contrôle de Bakhmout. Et pour les autorités ukrainiennes, son succès est d’autant plus important qu’il pourrait déterminer l’aide occidentale future, quand certains appellent à des pourparlers de paix avec la Russie.

Quelles sont les tensions côté russe dans cette région ?

Côte russe, les mercenaires de Wagner sont en première ligne à Bakhmout. Une situation qui met en lumière les tensions qu’il existe entre le chef de cette organisation paramilitaire, qualifiée de terroriste par les députés français mardi, et le Kremlin. Mardi, le patron de Wagner a accusé des soldats de l’armée régulière russe d’avoir fui leurs positions à Bakhmout. « Aujourd’hui, l’une des unités du ministère de la Défense a fui de l’un de nos flancs […] Ils ont quitté leurs positions, ils ont tous fui », a accusé Evguéni Prigojine, dans une vidéo publiée sur Telegram avant d’ajouter : « Le poisson pourrit par la tête. Donc si les missions sont fixées par des trouducs, le soldat quitte la tranchée, parce que ça ne sert à rien de mourir inutilement. »

Ces déclarations au vitriol montrent les tensions qu’il existe entre cette nébuleuse qui combat pour les intérêts de Moscou en Ukraine et l’armée régulière. La semaine dernière, le patron de Wagner avait annoncé qu’il retirerait ses hommes de Bakhmout le 10 mai si l’état-major ne lui fournissait pas les munitions qu’il réclame. Dimanche, il avait affirmé avoir reçu « la promesse » de livraisons suffisantes, semblant écarter toute retraite de Bakhmout dans l’immédiat. Mardi, il a toutefois réitéré qu’il entamerait le repli en l’absence de livraisons suffisantes : il a affirmé que Wagner n’avait reçu mardi « que 10 % » des munitions qu’il avait réclamées. Cet étalage public d’accusations souligne en tout cas les profondes divisions au sein des forces russes, au moment même où celles de Kiev disent s’apprêter à lancer leur grande offensive.