France

A Marseille, le PS sort de la crise mais pas du flou sur son avenir

De notre envoyée spéciale à Marseille, 

« C’est quelque chose, les congrès socialistes… » Benoit Payan, le maire de Marseille, a sans doute bien décrit l’état d’esprit des socialistes et des observateurs et observatrices quand il a pris la parole, quelques secondes après la validation presque unanime du « pacte de gouvernance ». Ce « pacte » inclut la reconduction à la tête du PS d’Olivier Faure, il valide sa ligne politique de poursuite de la Nupes, et place Nicolas Mayer-Rossignol, son concurrent, premier secrétaire délégué, avec la maire de Nantes, Johanna Rolland (pro-Faure). L’attelage, que certains voient comme une usine à gaz, a au moins le mérite d’éviter de faire du congrès de Marseille le bain de sang annoncé, et de donner l’espoir au PS de tourner la page d’un congrès qui a tourné vinaigre, ces deux dernières semaines.

L’espoir, car le « pacte » ne dissipe pas totalement l’épaisse fumée dans laquelle les socialistes sont arrivés à leur 80e congrès. Parfois littéralement, comme dans ce restaurant près de l’opéra, visiblement pas soumis à la même loi qu’ailleurs, où on retrouve, vers minuit vendredi soir, des militants et militantes de Refondations, le courant de Nicolas Mayer-Rossignol. Alors ? « On a connu mieux, ils repartent négocier », lâche l’un d’eux. Les négociations se sont étalées de vendredi soir à samedi tard dans la matinée. Il a longtemps été difficile de se faire une idée de l’ambiance tant, dans un même courant au même moment, le moral, le point de vue, les pronostics pouvaient considérablement varier. La prudence était de rigueur chez toutes et tous, la peur de tout faire capoter pour un mot de travers. Faire capoter un accord ou faire capoter le parti tout court.

Du fond, malgré tout

Les non-habitués ont parfois cru qu’on n’en était pas loin, lors des plénières consacrées aux débats entre textes d’orientation. Applaudissements, huées, parfois sifflets ont fusé. « Mais c’est toujours comme ça, un congrès, même en 2021 où il n’y avait pas d’enjeux il pouvait y avoir des prises à partie dans le public », tempère une militante de Nicolas Mayer-Rossignol. A ce titre, l’intervention de Patrick Mennucci, du courant hollandais, valait le détour. En plein conflit social sur la réforme des retraites, l’ancien député marseillais a fait applaudir par une partie de la salle que « le PS n’est pas pour la retraite à 60 ans », comme l’indique le programme de la Nupes. Il est repris de volée, quelques minutes plus tard, par Clovis Cassan, maire des Ulis (Essonne) et pro-Faure, ovationné.

Dans le psychodrame que le PS vit à ciel ouvert depuis presque deux semaines il y a des questions de personnes. Les questions stratégiques des alliances sont évidemment majeures. Mais, contrairement à la caricature classique de ce type de grand raout politique, il y a, donc, aussi du fond. Il doit défendre quoi, le Parti socialiste ? « Est-ce que c’est vraiment une réforme de gauche la retraite à 60 ans pour tous ?, interroge un élu local soutien de Nicolas Mayer-Rossignol. Peut-être qu’il faut moduler, que pour un ouvrier métallurgiste au-delà de 55 ans c’est trop mais que pour un cadre du secteur bancaire 63 ans c’est O.K. » Le même liste « la République, la laïcité, la police » comme points de divergence avec les insoumis.

Cohérence

« C’est des slogans ça », peste un Breton pro-Faure. Dans le camp du premier secrétaire, on juge que Refondations, et à plus forte raison les hollandais, n’arrivent pas à reconnaître que « le vrai changement dans ce congrès, c’est la ligne ». Le même Clovis Cassan, déjà cité, n’a par exemple pas de problème « en tant que maire de banlieue » à reconnaître « les violences policières ». « Ce qui me choque, c’est le manque d’ambition derrière une façade gestionnaire. J’ai envie de leur dire  »Réveillez-vous ! Arrêtez de vous dire que 62,5 ou 63 ans c’est acceptable pour la retraite, la question c’est : est-ce qu’on veut un temps de vie en bonne santé pas consacré au travail salarié ? » »

Le grand paradoxe de la situation du Parti socialiste, c’est que malgré toutes ses différences, il est sans doute en 2023 un parti bien plus cohérent idéologiquement qu’il y a quinze ans. « Je suis entrée dans un PS qui allait de Jean-Luc Mélenchon à Manuel Valls », rappelle Clovis Cassan, le maire des Ulis. « Je me sens plus proche de Nicolas Mayer-Rossignol que de Danièle Obono ou de Sandrine Rousseau », cite en exemple un député pro-Faure. « On a connu bien pire », abonde un militant de Refondations qui raconte : « Moi dans ma fédé, il y a trente ans, les mandataires rocardiens et fabiusiens en étaient venus aux mains. » Forcément, aujourd’hui, il y a moins de gens avec qui se battre.

A l’issue de la journée, le soulagement était palpable de toute part. Un soulagement prudent, sur l’avenir du parti, tant l’accord trouvé ce samedi est sujet à des interprétations très divergentes. Côté Faure, on a l’impression d’avoir obtenu gain de cause sur le fond et sur la forme « sans humilier personne ». Côté Mayer-Rossignol, on a le sentiment d’avoir mis Olivier Faure sous liberté surveillée. « Non », répond le principal interessé, avec un léger sourire aux lèvres. Bon, les socialistes verront à l’usage et croisent les doigts.