Belgique

Suspicion de conflits d’intérêts : Frank Vandenbroucke fait tout pour ne pas divulguer le contenu de ses mails sur le covid

Cela fait plus d’un an que HLN réclame de pouvoir consulter des courriers électroniques envoyés par le ministre de la Santé pendant la crise du covid. Il s’agit de mails échangés entre lui, la présidente du GEMS, Erika Vlieghe, et le commissaire “Covid”, Pedro Facon. Ces trois figures ont joué un rôle décisif dans la gestion de la crise sanitaire. La lecture de leurs échanges aurait permis à HLN de mieux comprendre les décisions prises au plus haut niveau de l’État durant cette période traumatique.

À ce stade, Frank Vandenbroucke a toujours refusé de divulguer ces échanges. Pour avoir accès à ces documents, le journal flamand s’est donc appuyé sur la loi sur la transparence administrative, loi qui est justement en train d’être débattue au niveau fédéral (gouvernement et parlement). HLN a également contacté la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada). Cet organe présent aux différents niveaux de pouvoir belges est le chien de garde de la transparence. La Cada a estimé que le ministre Vooruit était en tort et qu’il devait communiquer ces informations au quotidien. Problème : la Cada n’a actuellement qu’un rôle consultatif, elle ne peut pas imposer à un ministre de suivre ses avis. C’est d’ailleurs tout l’objet du débat politique qui a lieu actuellement. En novembre 2022, le vice-Premier ministre a donc choisi de ne pas écouter cet avis.

Saisie du conseil d’État

Qu’à cela ne tienne, HLN a saisi le conseil d’État. Celui-ci a estimé que la défense du doyen de la Vivaldi ne tenait pas la route. Averti, celui a retiré son refus, rendant caduque la procédure au conseil d’État… pour ensuite renouveler son refus. Ce qui lui offrait un nouveau délai.

Là où la situation se corse, c’est qu’il semblerait que le ministre de la Santé aurait également profité de son statut pour bloquer l’arrivée d’une loi qui aurait pu donner accès au contenu de ces mails. En mars 2023, la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) a en effet déposé un projet de loi pour rendre accessible un certain nombre de documents fédéraux. Les amendements prévus dans ce texte, qui est une révision d’une loi de 1994, auraient permis à la Cada de rendre des avis contraignants, comme cela se fait déjà dans les entités fédérées. Mais visiblement, les partis de la majorité ne souhaitent pas autoriser le grand public à consulter les documents fédéraux. Ils ont donc rejeté les amendements de l’opposition.

Pour Claude Archer, cofondateur de Transparencia, le blocage de la majorité vient en grande partie du ministre Vandenbroucke. Ce militant pour la transparence au niveau fédéral a d’ailleurs indiqué à l’OCRC, l’Office central de répression de la corruption, que le ministre Vandebroucke “persiste à bloquer la transmission des documents covid après l’avis d’octobre 2022 de la Cada”, jugeant qu’il s’agissait d’une faute intentionnelle selon l’article 151 du Code pénal. Selon lui, les mails cacheraient un conflit d’intérêts.

En commission des Affaires intérieures, plusieurs députés de l’opposition ont interrogé la ministre Verlinden sur la lenteur avec laquelle la Vivaldi avançait sur ce dossier. Pour le député Nabil Boukili (PTB), le blocage s’expliquerait par l’opposition d’un membre du gouvernement, impliqué dans un litige porté par des journalistes devant le Conseil d’État suite à son refus de donner suite à un avis de la Cada. “Si tel est le cas, il y a un conflit d’intérêts évident et grave”, a-t-il souligné. La ministre a répondu qu’il n’y avait aucune intention de retarder l’application de cette loi. S’il a été décidé de ne pas attribuer de pouvoir décisionnel à la Cada, c’est parce que la procédure serait trop coûteuse.

Ce dernier argument est jugé inconsistant par Transparencia et Cumuleo. Selon les ONG, qui se basent sur une réponse d’Ecolo, les frais de fonctionnement d’une telle mesure se situeraient autour des 75 000 euros par an. Pas de quoi handicaper un budget fédéral !

Réformer la Cada après les élections

Le cabinet Vandenbroucke n’a pas répondu à nos sollicitations. À HLN, le ministre de la Santé a toutefois indiqué ne pas être opposé à accorder un pouvoir décisionnel à la Cada, seulement, pas dans l’immédiat. Cela pourrait se faire “à condition que cela s’inscrive dans le cadre d’une réforme en profondeur de la Commission.” Ce qui adviendrait après les élections.

La suite va maintenant se jouer à la Chambre. La nouvelle loi – sans les amendements pour la Cada – sera à nouveau examinée par les députés de l’opposition et de la majorité mercredi. Reste à voir si le cas de Vandenbroucke fera l’objet de questions parlementaires et si celles-ci permettront d’obtenir la réponse à cette interrogation : “Que cachent les mails de Frank Vandenbroucke ?”.