Belgique

Radicalisé un jour, radicalisé toujours ?

Le professeur Garcet a une longue expérience, non seulement académique – il enseigne au département de criminologie à l’ULg – mais aussi de terrain. En tant qu’expert judiciaire depuis 25 ans, il a accompagné nombre de personnes radicalisées.

C’est à ce double titre que ce docteur en sciences psychologique a été appelé à témoigner en tant qu’expert devant la cour d’assises qui juge les attentats du 22 mars 2016 à Zaventem et à Maelbeek.

Et, sur question de la présidente, qui lui demandait d’éventuelles pistes pour quitter cette phase d’engagement violent, le professeur n’y est pas allé par quatre chemins : “Tout simplement, ils n’ont pas l’envie de changer. Désolé d’être pessimiste. Je considère que l’on a une génération sacrifiée. Là où l’on a plus de chance de travailler, c’est avant. Et c’est là une problématique sociétale : il faut donner la possibilité à ces jeunes de grandir dans de bonnes conditions, d’avoir accès à la culture, au sport”.

L’expert a toutefois quelque peu tempéré ce sombre constat. Le désengagement est possible. Cela peut être par exemple la venue d’un enfant qui peut remettre en cause bien des certitudes. Mais, précise M. Garcet, cela vient de la personne elle-même, pas d’un thérapeute ou d’un expert qui suit la personne.

”Certains jeunes ont importé à Zaventem une forme de violence qu’on ne connaissait pas vraiment par ici”

De la fascination à l’engagement violent

Ce stade d’engagement violent ne s’atteint toutefois pas d’un coup. Pour le professeur Garcet, il y a trois stades : la fascination, la radicalisation et l’engagement violent. Dans le premier stade, il y a tout d’abord une sympathie vers la cause, suivie d’une orientation de plus en plus prononcée vers celle-ci. On passe ensuite à un stade de radicalisation, avec une adhésion identitaire accompagnée d’une recherche de pairs et un activisme identitaire. Le dernier stade et celui de la participation dans l’engagement violent.

”À ce stade, il est difficile de revenir en arrière, car il faut alors remettre en cause tout son parcours”, décrypte le professeur Garcet. Pour éclairer son propos, il a comparé ce radicalisme à une boule de plasticine noire, que l’on mêlerait à une personnalité vierge, qui serait une boule de plasticine blanche. Une fois qu’on les mêle, il est impossible de revenir à une plasticine blanche, explicite-t-il.

Deux des accusés, Osama Krayem et Mohamed Abrini, ont renoncé à se faire exploser au dernier moment. “Comment analysez-vous ce renoncement ?”, a voulu savoir la présidente de la cour d’assises. Le professeur n’a pas de réponse toute faite. “Il n’y a que la personne même qui peut le dire”, dit-il, tout en soulignant qu’un comportement vient de l’anticipation des conséquences. “S’il y a un renoncement au dernier moment, c’est que l’anticipation a été écornée. Parfois, ce sont des riens qui font que l’on agit ou que l’on n’agit pas.”