Belgique

Procès des attentats : les frères El Bakraoui inspiraient la terreur, même à leurs proches

Trois jours avant son arrestation, Salah Abdeslam avait fui la planque de la rue du Dries à Forest, parvenant à échapper aux policiers en perquisition.

Mercredi, un des condamnés du dossier des attentats de Paris, Mohamed Bakkali a affirmé devant la cour d’assises qu’environ deux mois avant les attentats de Bruxelles, il avait envisagé de donner à la police l’adresse d’une planque de la cellule. Mais, a-t-il ajouté, il avait renoncé, tant il avait peur des représailles des frères El Bakraoui, qui frapperont en kamikaze le 22 mars 2016.

Cela aurait-il évité un bain de sang ? Impossible à dire. Mohamed Bakkali refait-il l’histoire ? Difficile de donner une réponse tant le profil de cet homme, qui connaissait Khalid El Bakraoui depuis 2013, est complexe.

Terroriste et licencié en sociologie

De tous les hommes impliqués de la cellule qui a frappé à Paris et Bruxelles, Mohamed Bakkali est le plus intelligent. Il s’exprime avec aisance. Il apporte un grand soin à ses réponses. Incarcéré depuis le 26 novembre 2015, il a mis à profit cette détention pour décrocher une licence en sociologie.

Il a été condamné à 25 ans de prison pour l’attentat du Thalys le 21 août 2015 et une seconde fois à 30 ans de prison pour les attentats du 13 novembre 2015. Mohamed Bakkali est un logisticien. Il a convoyé des terroristes et a loué, sous de fausses identités, des planques.

Il n’avouera bien connaître les frères El Bakraoui que quelques semaines après les attentats du 22 mars 2016. Et, à l’entendre mercredi devant la cour d’assises, c’est par peur qu’il s’est tu. En janvier 2016, dit-il, il a envisagé de révéler la localisation de la planque de Jette, qu’il avait louée sous un faux nom et où Abdeslam s’est caché, avec d’autres, jusqu’au 9 janvier 2016.

Mohamed Bakkali dit en avoir parlé à l’époque à son avocat, qui lui a conseillé d’aller dans cette voie. Mais il s’est ravisé après avoir été transféré à la prison de Bruges où le régime était plus dur. “J’ai pris peur car les El Bakraoui savaient où étaient mes enfants. Je savais qu’ils s’attaqueraient à mes proches”, a-t-il justifié.

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”Une balle dans la tête”

Pour appuyer la peur que pouvait inspirer Khalid El Bakraoui, il a cité une anecdote. En octobre 2015, l’homme, qui s’était procuré des chargeurs qui serviront au 13 novembre, craignait d’être dénoncé par un complice impliqué dans ces achats. “Il m’a dit que si celui-ci parlait, il lui mettrait une balle dans la tête.” Or, a-t-il ajouté, ce complice était pourtant un ami d’enfance de Khalid El Bakraoui.

À l’époque, Mohamed Bakkali nourrissait cependant des doutes sur les projets des frères El Bakraoui. Il a ainsi laissé entendre qu’il savait que l’on n’était plus dans le banditisme. “J’ai su qu’ils préparaient quelque chose. Mais je ne savais pas quoi.” Il n’imaginait pas que c’était pour s’en prendre à des civils.

Mais, précise-t-il encore, les El Bakraoui, en truands endurcis, n’étaient pas des personnes à se confier. “Ce n’était pas des personnes à qui l’on posait des questions. Sinon c’était suspect. Khalid était assez parano”, dit-il.

Malgré ses soupçons, Mohamed Bakkali acceptera de louer des appartements sous un faux nom pour les El Bakraoui. Et, à la présidente de la cour qui s’étonne, il explique que “c’est un engrenage. “Cette question me revient souvent. On était dans un rapport où l’on s’entraide, où il y a des liens”.

Mais il est formel. Jamais, dit-il, il n’aurait cru les El Bakraoui capables de commettre eux-mêmes un attentat suicide.