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Guerre en Ukraine : la Commission se démène pour rétablir le transit des céréales ukrainiennes via l’Union européenne

Importations de céréales d’Ukraine : l’Union européenne dénonce les interdictions “inacceptables” de certains États membres, mais cherche des solutions

Dans l’immédiat, la Commission propose donc de compenser les pertes des exploitants agricoles affectés : 100 millions d’euros de fonds communautaires seront débloqués. Ils viennent s’ajouter à une première enveloppe de 56 millions d’euros mise sur la table le mois dernier. Aussi, l’exécutif européen envisage une mesure d’urgence pour permettre à la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie d’autoriser exclusivement le transit de blé, maïs, colza et graines de tournesol en provenance d’Ukraine. Autrement dit, il s’agit de garantir à ces États que ces produits ne feront que passer sur leur sol.

Un tel compromis a justement été trouvé mardi soir entre la Pologne, premier État membre à avoir interdit, samedi, l’entrée de certains produits agroalimentaires ukrainiens sur son territoire, et l’Ukraine. Les importations pourront à nouveau reprendre, mais les convois de céréales devront être scellés, afin d’éviter qu’elles ne se retrouvent pas sur le marché polonais. La Roumanie a aussi annoncé mardi qu’elle allait exiger ce type mesure. “On pourrait aussi demander des preuves quant au fait que le client final se trouve soit dans d’autres États membres soit hors de l’UE”, note une source européenne.

Une solution européenne

L’enjeu est en tout cas d’envisager ces solutions au niveau de l’UE, dans le cadre du droit européen, et non pas de manière “unilatérale”, insiste la Commission, alors que son vice-président Valdis Dombrovskis, a organisé mardi après-midi une réunion avec des représentants des cinq États membres concernés et de l’Ukraine. La politique commerciale est une compétence exclusive de l’Union, les Vingt-sept partagent un marché unique et une union douanière. Et c’est ensemble qu’ils ont agi pour permettre à l’Ukraine à continuer à faire du commerce.

En juin, l’UE a levé les droits de douane et les quotas sur les produits ukrainiens. Des “voies de solidarité” ont été créées pour faciliter le transport, sur le territoire de l’Union, en particulier des céréales et produits agroalimentaires d’Ukraine, afin de soutenir l’économie du pays et de pallier la crise alimentaire mondiale. Mais fluidifier le transit de volumes toujours plus importants reste un énorme défi, tant les chiffres sont inédits. Un exemple : en 2022, la Pologne a importé 500 000 tonnes de blé, contre… 2800 tonnes en 2021. L’augmentation est encore plus spectaculaire pour le maïs : 5800 tonnes en 2021, 1 840 000 tonnes en 2022. De plus, la cadence des exportations depuis l’Ukraine vers l’UE s’est accélérée fortement ces derniers mois. Cela s’explique par les dysfonctionnements observés en février, mars et avril sur la voie de la Mer noire, en dépit de l’accord céréalier conclu entre Kiev et Moscou, sous l’égide de l’Onu et la Turquie, et dont la prolongation reste toujours incertaine.

Pression et grandes difficultés logistiques

Pendant ce temps, les difficultés pour gérer ces flux commerciaux de céréales persistent dans les pays voisins de l’Ukraine, où on observe donc des goulets d’étranglement. Les infrastructures sont sous pression, et les coûts logistiques augmentent sur les “voies de solidarité”. “Il est beaucoup plus cher de transférer les céréales jusqu’aux ports d’Anvers ou de Hambourg que de les laisser en Pologne”, constate ainsi une source européenne. Certains produits agroalimentaires ukrainiens, bon marché, se sont donc accumulés dans les pays voisins et ont fini par y rester, faisant donc dégringoler le prix de vente, avec un effet économique potentiellement majeur. “La Pologne produit 22 millions de tonnes de maïs par an. Si le prix par tonne diminue de seulement 10 euros, cela représente 220 millions d’euros de perte. Rien que pour le maïs. Et pour la Pologne”, illustre une source européenne.

Or quatre millions de tonnes de céréales de la dernière récolte doivent encore être exportées d’Ukraine, ce qui devrait prendre encore deux mois. “Puis la nouvelle récolte arrive à l’automne. D’ici là, il faudra faciliter vraiment le transit”, insiste une source européenne. L’enjeu fondamental pour l’UE sera donc d’agir rapidement pour faire baisser les coûts et les blocages logistiques, tout comme elle devra stimuler et multiplier les “voies de solidarité”. Un des objectifs est par exemple d’augmenter les capacités de transport via le Danube, y compris pendant la nuit – une enveloppe de 25 millions d’euros est prévue à cet effet.