Belgique

« Nous n’aurons pas assez d’énergie renouvelable en Belgique » : Elia, via sa filiale allemande, se prépare pour répondre aux besoins électriques futurs

A worker is seen in a section of Berlin�s diagonal power link tunnel of the Berlin Friedrichshain substation grounds is seen during Belgium's royal visit at the 50Hertz electricity transmission system company in Berlin, Germany, on December 6, 2023. (Photo by Tobias SCHWARZ / AFP)
Un travailleur dans le tunnel de Berlin Friedrichshain durant la visite royale de l’entreprise de transport électrique 50Hertz ©AFP or licensors

Cette importante société allemande 50Hertz présente une spécificité : elle est détenue à 80 % par une société belge, Elia, qui gère le réseau de transport d’électricité en Belgique. Cela n’est pas courant, du moins dans ce sens-là. “C’est vrai. Ceci étant, dans le domaine énergétique, il existe des collaborations historiques entre l’Allemagne et la Belgique, que ce soit au niveau du gaz (Ndlr : la Belgique est désormais un des principaux fournisseurs de gaz de l’Allemagne) ou de l’électricité”, analyse Catherine Vandenborre, CEO d’Elia. “Notre participation dans 50Hertz est extrêmement importante. Parce que la transition énergétique a commencé en Allemagne, avant la Belgique. Et qu’elle s’y passe plus rapidement. C’est un laboratoire, un milieu d’apprentissage extraordinaire dans la zone qui est opérée par 50Hertz (Ndlr : composée de Berlin, de l’ancien territoire de l’Allemagne de l’Est et de Hambourg), comme gestionnaire de réseau.”

En 2023, en effet, 70 % de la production d’électricité de 50Hertz émanait de sources renouvelables, dont l’éolien, la biomasse et le photovoltaïque. “Ils ont l’ambition d’être à 100 % en 2032 et ils vont atteindre cet objectif car ils sont sur un vrai chemin de croissance. L’année dernière, la proportion était de 60 % de production en énergie verte. À titre de comparaison, en Belgique, on est à 20 %”, reprend Catherine Vandenborre. “On sait évidemment que le pourcentage va augmenter, car nous allons construire des infrastructures pour de l’éolien off shore, avec notamment la construction de l’Île Princesse Elisabeth, en mer du Nord. Dans cette optique, il est important de voir comment une société comme 50Hertz opère un réseau et le garde en équilibre avec un taux d’infrastructure renouvelable qui est à ce point élevé.”

450 millions d’euros pour construire l’île énergétique Princesse Elisabeth

guillement

Elia s’attend à une augmentation de la consommation d’électricité de 50 % sur le 10 prochaines années. Avec trois secteurs : l’industrie qui veut décarboner sa production et changer ses processus pour les faire tourner sur bases d’électricité, le chauffage (pompe à chaleur), et la mobilité (voitures électriques) ».

L’utilisation d’énergies renouvelables pose toute une série de défis nouveaux, comme de parvenir à approvisionner l’ensemble des consommateurs tout en rendant l’énergie moins chère. Ces objectifs sont d’autant plus ambitieux que la consommation électrique risque d’exploser. “Elia s’attend à une augmentation de la consommation d’électricité de 50 % sur les 10 prochaines années. Avec trois secteurs : l’industrie qui veut décarboner sa production et électrifier ses processus, le chauffage (pompes à chaleur), et la mobilité (voitures électriques)”, précise la CEO d’Elia.

L’importance des interconnexions

La Belgique sera-t-elle capable d’y faire face ? “Oui, mais on doit anticiper et investir dans les infrastructures et les énergies décarbonées”, assure Catherine Vandenborre, qui insiste sur l’importance des interconnexions. “Il nous faudra augmenter les échanges avec les pays voisins. La Belgique n’est pas un pays très ensoleillé, avec pas assez de vent. Nous n’aurons donc pas assez de renouvelables que pour assurer l’ensemble de la consommation électrique. Les projections, pour 2050, c’est une production maximum de 60 % de renouvelable.”

guillement

Je ne pense pas qu’on doit viser uniquement la production sur notre propre territoire. Jusqu’ici, on n’a jamais été indépendant énergétiquement. On a toujours importé les combustibles. Demain on doit viser le 100% d’énergie renouvelable mais on doit le faire à l’échelle européenne, via des interconnexions. »

Cette donnée chiffrée ne va-t-elle pas à l’encontre de la doctrine d’Ecolo, qui martèle que le 100 % renouvelable est possible ? “Je ne pense pas qu’on doit viser uniquement la production sur notre propre territoire. Jusqu’ici, on n’a jamais été indépendant énergétiquement. On a toujours importé les combustibles. Demain on doit viser le 100 % d’énergie renouvelable mais on doit le faire à l’échelle européenne, via des interconnexions. Il y a des gisements très importants en mer du Nord, mais aussi dans les pays où il y a plus de soleil et plus d’espaces. L’hydrogène va devenir un vecteur nouveau, pour stocker et importer de l’énergie renouvelable”, pointe Philippe Henry, (Ecolo), ministre wallon de l’Énergie, qui participait lui-même à la visite d’État à Berlin. “La sortie du nucléaire est décidée, il y a eu une prolongation, mais en 2050, il n’y aura plus de nucléaire”, prévient-il.

Comment, dès lors, produire suffisamment d’énergie, à terme, sans les énergies fossiles ? “Il doit aussi y avoir une volonté de réduire notre consommation, notre besoin énergétique”, conclut Philippe Henry. “Mais de toute façon, il faudra des interconnexions entre les pays.”