Belgique

L’inexplicable virée foireuse de deux voleurs amateurs

Le spectacle était assez curieux. Il faut imaginer certains groupes tourner plusieurs fois à gauche et à droite pour finalement se retrouver à leur point de départ, un certain dépit en plus dans le regard. Place Poelaert, les méandres de la justice ne sont pas qu’institutionnels, ils sont aussi géographiques.

De jeunes, il est toujours question mais ces deux-là sont sur le banc des prévenus. Thomas et Naim (prénoms d’emprunt) étaient à la salle de sport il y a presqu’un an jour pour jour. Les deux comparses, tout juste majeurs, traînent un peu à proximité des vestiaires. Ils étaient bien venus pour transpirer et n’avaient pas l’intention de sortir plus riches de cette salle bruxelloise. Mais quand même, quand ils comprennent qu’il y a moyen de se faire un peu d’argent en se servant dans un casier, ils en discutent et se décident à passer à l’acte. Du fond de la salle d’audience, on ne comprend pas très bien comment le larcin s’est opéré. Ont-ils profité d’un moment d’inattention des victimes ? Ont-ils mémorisé le code sur le petit boîtier ? Toujours est-il qu’ils s’emparent du portefeuille et de la clé de voiture censés avoir été mis à l’abri. La suite est pathétique.

Une petite course-poursuite

Les deux étudiants trouvent le véhicule, montent dedans et démarrent. Ils n’ont pas avalé beaucoup de kilomètres que la police les prend en chasse. S’ensuit une brève course-poursuite qui finira piteusement dans un poteau à Grimbergen. Les deux prévenus n’ont pas l’étoffe de grands bandits.

C’est d’ailleurs ce que plaidera la défense. “Quand on lui demande de quoi est faite sa vie actuellement, heureusement que mon client a un conseil ! Quant à expliquer pourquoi ils ont agi de la sorte, c’est impossible”, reconnaît l’avocate de Thomas. Entendaient-ils revendre la voiture en pièces détachées ? À moins qu’ils ne comptaient seulement rouler un peu avant d’aller l’abandonner à l’abri des regards ? Ce ne sont que des hypothèses. “Quand ils prennent la voiture, ils ne savent pas ce qu’ils vont en faire”, reconnaît le conseil.

Des examens dans quatre jours

La présentation des profils de deux comparses ne fournira pas plus d’explications. Thomas terminera bientôt un cursus de technicien de bureau ; ses examens de fin d’année commencent lundi. Si tout va bien, il entamera l’année prochaine des études de comptabilité. Le garçon est en outre inscrit auprès d’une agence d’intérim et cumule les petits boulots depuis plusieurs années. “On ne comprend vraiment pas ce comportement”, insiste son avocate. Mais les faits sont là, “et ils sont trop graves pour une suspension du prononcé. Une peine de 200 heures de travaux d’intérêt général me semble une bonne fourchette”.

Le conseil de Naim ne dira globalement pas autre chose. “Mon client est né en 2004. Au moment des faits, il était à peine majeur. Il a fait preuve d’une immaturité certaine”, plaide-t-elle. Là aussi, elle suit sa consoeur et estime que la peine de 200 heures de travaux d’intérêt général suffit, en plus du remboursement (étalé) des dégâts sur le véhicule.

Une fois, pas deux

Le président prend alors la parole, tentant lui aussi de trouver une explication à cette virée ratée. L’occasion fait le larron, dit la sagesse populaire. “Ça ne se reproduira plus, hein ?”, lance-t-il à l’adresse des deux prévenus, sur un ton qui rappelle davantage celui de l’instituteur que du magistrat. Il ne lui manque que la règle pour leur taper sur les doigts. Les deux garçons opinent du chef. Jugement le 14 juin.

L’affaire suivante va démarrer. On balaie la salle du regard en pronostiquant qui se lèvera au moment de l’appel. L’exercice n’est pas aisé tant l’assemblée est fournie. Ils sont alors deux à s’avancer vers la cour et l’on constate que notre pronostic est raté. On aurait plutôt parié que ces deux-là étaient au tribunal pour une visite pédagogique, et non pour une comparution.