Belgique

Le secteur de l’aide à la jeunesse s’écroule et les enfants s’abîment : “C’est insupportable de devoir dire : désolé, on ne sait pas t’aider”

Ils s’écroulent…

Mercredi, les travailleurs des services d’aide à la jeunesse (SAJ) et des services de protection judiciaires (SPJ), à bout de forces, s’étaient rassemblés devant le siège du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour attirer l’attention sur leurs conditions de travail “intenables” et les conséquences dramatiques pour les familles (lire ci-contre). “Leur métier n’a plus de sens pour eux ni pour les jeunes qu’ils accompagnent. Ils se retrouvent dans des situations complètement folles, obligés d’envoyer des enfants à l’hôpital ou de les laisser dans leur famille biologique en très grande difficulté. C’est extrêmement maltraitant, tant pour les jeunes que pour les travailleurs des SAJ et des SPJ. Ils s’écroulent”, constate Xavier Verstappen, directeur de l’Accueil familial, un service qui accompagne plus de 600 filles et garçons placés en famille d’accueil. “Ces enfants laissés sans accompagnement et sans aide spécialisée s’abîment encore plus. Imaginez une gamine abusée. On ne fait rien. Ça recommence. Et on ne sait dire que : “Désolé, on ne sait pas t’aider”. C’est insupportable !”.

Face aux enfants placés à l’hôpital, les soignants bricolent

D’autres représentants des services (privés) chargés d’exécuter les mandats des SAJ et des SPJ (suivi à domicile, placement en famille d’accueil ou dans un centre résidentiel étaient présents devant le cabinet de la ministre en charge de l’Aide à la Jeunesse, Valérie Glatigny (MR) (démissionnaire, elle sera remplacée par Françoise Bertieaux le 19 juillet) pour montrer que le secteur entier se mobilise pour crier à l’aide.

Il manque 100 places d’hébergement à Bruxelles

Le système de l’aide à la jeunesse est complètement saturé. Il manque des places, des moyens, des bras à tous les étages. Que ce soit pour l’accueil d’urgence, dans les services d’hébergement ou le dispositif des familles d’accueil… À Bruxelles, la question est particulièrement alarmante. Le Comité de concertation intrasectorielle bruxellois (CCIB) a récemment fait le calcul des besoins de l’arrondissement en matière de services agréés. Résultat ? Il faut d’urgence une centaine de places d’hébergement, une centaine de places dans des familles d’accueil et une centaine de places pour l’accompagnement intensif en famille. Soit 300 nouvelles prises en charge, uniquement pour Bruxelles, dans les délais les plus brefs possibles. “Chaque jour qui passe, c’est un enfant de cassé en plus, c’est un jeune en perdition, c’est un futur adulte à charge de la société et dont le coût sera bien plus lourd que l’investissement impératif fait aujourd’hui.”

Les enfants placés à l’hôpital sont malmenés

”En raison du non-intérêt accordé au secteur”

Début juin, sur proposition de Valérie Glatigny (MR), ministre en charge de l’Aide à la jeunesse, l’exécutif francophone a validé 152 prises en charge supplémentaires en aide à la jeunesse en accentuant l’effort sur Bruxelles. Mais on reste loin du compte.

Au total, à l’échelle de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il faudrait un millier de prises en charge supplémentaires pour désengorger le système, jauge Xavier Verstappen. “L’aide à la jeunesse vit une crise très importante, en raison des autres crises mais aussi du non-intérêt accordé au secteur. On a eu un plan d’urgence pour sauver les banques, un plan contre le Covid, un plan pour aider l’Ukraine, un plan pour les sinistrés après les inondations. Il faut maintenant un plan pour l’aide à la jeunesse et la petite enfance”, lance Xavier Verstappen. “Si la société ne protège pas ces enfants en danger, on les retrouvera demain dans les hôpitaux psychiatriques, en prison ou dans la rue, sans domicile fixe”.

”Une grande cause nationale”

Après une rencontre avec les magistrats bruxellois de la jeunesse qui appelaient déjà à l’aide en octobre dernier, la ministre Glatigny avait déclaré, dans La Libre, que l’aide aux enfants en danger devait devenir une priorité.

« L’aide aux enfants en danger doit devenir une grande cause nationale »

Elle le répétait encore début juin, en annonçant le déblocage de 152 prises en charge supplémentaires. “Les travailleurs de l’aide à la jeunesse réalisent un travail extraordinaire. Bien que des moyens conséquents aient été débloqués depuis le début de la législature, nous devons avoir l’humilité de reconnaître que nous n’avons pas rencontré tous les besoins, qui ont sensiblement augmenté ces derniers mois”, reconnaît-elle. “Il est temps de faire de l’aide à l’enfance en danger ou en difficulté une grande cause nationale”. Ajoutant qu’elle espérait que ses collègues, y compris aux autres niveaux de pouvoir, répondront favorablement à son appel à agir davantage en amont de l’aide à la jeunesse. En matière de lutte contre la précarité, d’égalité scolaire, d’accès au logement… Entre autres.