Belgique

Le débat sur le rôle de la Protection civile relancé : “En cas d’inondations importantes, on se rend compte que les moyens sont largement dépassés”

C’est le colonel Johan Boydens de la caserne de Brasschaat qui a tiré la sonnette d’alarme jeudi sur les ondes de Radio 1 (VRT). “Des promesses de budgets n’ont pas été tenues. Notre infrastructure est dramatique.” En réaction, la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) s’est dite “favorable à la création d’une nouvelle antenne pour la protection civile dans un endroit bien situé, comme dans le Westhoek ou dans le Limbourg, où nous savons que les inondations peuvent constituer un problème”.

« Nous faisons face à de plus en plus de catastrophes »: Annelies Verlinden en faveur d’une nouvelle unité opérationnelle pour la Protection civile

Service de seconde ligne

Service de secours fédéral spécialisé dans l’aide à la population lors de catastrophes, la Protection civile intervient avec des moyens spécialisés pour renforcer l’action des autres services de secours. Elle compte 284 agents professionnels – plus des agents volontaires – répartis dans deux unités opérationnelles : à Crisnée, dans la province de Liège, et à Brasschaat, dans celle d’Anvers. Elle est appelée à intervenir notamment en cas d’accident nucléaire, de sauvetage, d’inondations ou encore d’incendies de grande ampleur.

En 2019, la Protection civile est réformée par le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) : ses effectifs sont drastiquement réduits, quatre de ses six casernes sont fermées, le service devient une assistance de seconde ligne, derrière les autres services de secours.

Cette réforme sera vivement critiquée à plusieurs reprises, notamment en juillet 2021, à la suite des inondations meurtrières dans la valée de la Vesdre et au manque de moyens de la Protection civile face à l’ampleur de la catastrophe. Un rapport d’évaluation de la réforme est commandé par le SPF Intérieur fin 2021. Les chercheurs de l’ULiège et de l’Université de Hasselt présentent leurs conclusions au Parlement fédéral le 26 octobre 2022, dont un certain nombre de problèmes toujours présents aujourd’hui.

Suppression d’agents, moyens logistiques insuffisants : les manquements de la Protection civile mis en lumière suite aux inondations

Clarification nécessaire des missions

”Le délai d’intervention de la Protection civile devrait être d’une heure maximum, explique Aline Thiry, une chercheuse en sciences politiques à l’ULiège qui a participé à la rédaction de ce rapport. Or, étant donné les effectifs et l’éloignement de certaines zones par rapport aux casernes, ce n’est pas toujours possible. Mais la Protection civile doit pouvoir jouer un rôle important dans la gestion de crise.”

Les chercheurs pointent aussi un décalage entre ce qui est prévu en théorie et les besoins des acteurs de terrains : “Les zones de secours sont toujours en demande d’un service de secours spécialisé urgent, mais selon la réforme, ça ne relève plus vraiment des missions de la Protection civile. Le problème est que dans le cas d’importantes inondations par exemple, on se rend compte que les moyens disponibles sont largement dépassés et qu’il y a besoin d’un renfort rapide.”

La Protection civile, souligne, elle, un manque de connaissance de ses nouvelles missions et des attentes devenues irréalistes : “Beaucoup s’accrochent au souvenir qu’ils ont de la Protection civile d’avant, ce qui génère des frustrations”, explique Damien Dermaux, directeur communication à la direction générale de la Sécurité civile fédérale.

Le service fédéral reconnaît néanmoins qu’une clarification des compétences est nécessaire : “Certaines missions résiduelles ne sont pas cohérentes avec la vocation de service de seconde ligne. Des zones grises subsistent. Il est essentiel que le prochain gouvernement revoit certains aspects de la ventilation des compétences entre zones de secours et Protection civile.”

Un problème qui avait déjà été mis en lumière par le passé.

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