Belgique

La Vivaldi veut étendre les « boîtes noires » aux snacks et aux autres sandwicheries

Mais les chiffres sont là, aussi. La fraude existe et le gouvernement vient de s’accorder définitivement ce lundi sur la mise en place d’un groupe de travail avec le secteur pour voir comment mieux contrôler les petits établissements qui ne jouent pas le jeu, et qui font preuve de concurrence déloyale. Et d’instaurer une “boîte noire” dans une bonne partie de ces établissements qui ne sont pas encore soumis à la loi qui, pour rappel, prévoit l’instauration de la caisse enregistreuse (ou SCE, pour système de caisse enregistreuse) là où le chiffre d’affaires est supérieur à 25 000 euros (hors TVA). “C’est en effet dans les établissements à moins de 25 000 euros de chiffre d’affaires – snacks, sandwicheries – que se loge le plus la fraude, ce qui crée de la concurrence déloyale avec les établissements qui jouent le jeu”, nous explique une source gouvernementale.

L’Horeca effaré par une proposition du PS au conclave budgétaire: “On fait tout pour assainir le secteur, et on ne récolte que des sanctions”

Pas de “check in”, “check out”

Début mars, de fait, on apprenait ainsi que plus de la moitié des établissements horeca contrôlés en 2022 avaient été en infraction de la loi sur la fraude sociale, d’après le rapport annuel du Service d’information et de recherche sociale (SIRS). Selon l’institution de contrôle, la forte proportion d’établissements fraudeurs est due au fait que les inspections sont très ciblées. Cela ne veut donc pas dire que la moitié de l’horeca fraude, simplement que sur les 2 875 contrôles menés l’an dernier par le SIRS, ciblés (souvent sur la base de suspicions légitimes, ou de dénonciation), 928 infractions de ce type ont été détectées. Bref, la réputation du secteur en pâtit. D’autant qu’au niveau fiscal, c’est le cas aussi, puisque des chiffres récoltés au SPF Finances, on apprend qu’un établissement sur trois était en infraction. Et pourtant, c’était une “petite” année en matière de contrôles (361).

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Le PS a ainsi introduit l’idée durant le conclave budgétaire d’instaurer un système de “check in” et de “check out” via une SCE pour toute personne qui travaille dans un établissement de restauration, mais cela a été refusé par certains partenaires de la Vivaldi, dont le MR. “Cela aurait été trop conséquent, justifie le Vice-Premier ministre libéral David Clarinval. Certains établissements “horeca” font de l’occasionnel (vendeurs de gaufres, par exemple) et il y a déjà l’obligation de proposer un système de paiement électronique (depuis le 1er juillet 2022, NdlR) ; on doit plutôt faire respecter cette obligation et contrôler cela plutôt que d’imposer une caisse qui coûte plusieurs centaines d’euros, et qui peut aussi être débranchée. Donc davantage de contrôles sont nécessaires, pas un système supplémentaire”, estime David Clarinval.

Un seuil de 25 000 euros problématique

En revanche, l’idée de mieux contrôler les “petits établissements” a été retenue. C’est là la plus grande source de concurrence déloyale avec les nombreux établissements de restauration en règle. Dans la fiche expliquant le projet socialiste, il est expliqué que “le contrôle du seuil de 25 000 euros de chiffre d’affaires pose des problèmes d’interprétation, notamment dans le cas des établissements de restauration qui proposent à la fois des repas à consommer sur place et des repas à emporter – ces derniers ne sont pas pris en compte dans le calcul du seuil de chiffre d’affaires. Les exceptions légales, comme pour les hôtels, laissent parfois la porte ouverte aux abus.” Par ailleurs, poursuit le PS, “la portée et le cumul des diverses sanctions imposées par la loi en cas de violation de la réglementation SCE manquent de clarté. La Cour des comptes a constaté que les amendes imposées pour des infractions à la SCE étaient inférieures au montant minimum fixé par la loi dans au moins 10 % des cas, sans aucune justification”.

Concrètement, un groupe de travail associant le secteur avec les experts des cabinets ministériels concernés va être mis sur pied. Ludivine de Magnanville, présidente d’Horeca Bruxelles, confirme effectivement travailler avec les deux autres fédérations du pays, pour aider le politique dans ses démarches. “L’idée, ici, serait de fixer un nouveau seuil pour l’obligation d’installer un SCE. Ce sera largement en dessous de 25 000, mais au-delà de 5 000”, confie l’une de nos sources. Qui ajoute que “la Vivaldi s’est accordée sur le fait qu’il y ait alors des compensations”. Ce que confirme David Clarinval : “on peut imaginer des diminutions ONSS, des primes pour l’achat de la caisse, des heures supplémentaires défiscalisées…”

L’idée d’une généralisation de la caisse enregistreuse vient en réalité du secteur lui-même, confie une de nos sources gouvernementales. Les fédérations Horeca ont visité les différents Vice-Premiers, et ont soumis cette idée, en échange d’aides diverses, surtout orientées vers les moyennes à grosses structures.” Mais sans rien de concret pour appuyer l’idée.

Le PS a alors repris à son compte l’idée de généralisation de la SCE… en proposant même de l’étendre à d’autres secteurs. De la fiche qui a été discutée (et recalée), on peut lire que “lorsque les flexijobs ont été introduits dans d’autres secteurs, l’idée de base a été abandonnée de les introduire liés à l’utilisation obligatoire d’une SCE, comme c’est le cas dans le secteur de l’Horeca”. On trouve notamment les boulangeries et pâtisseries, le commerce alimentaire, le commerce de détail, les coiffeurs et esthéticiennes, le secteur du sport et les exploitants de salles de cinéma. “Nous proposons d’introduire ce lien dans tous les secteurs auxquels le système flexijob a été étendu, à l’exception du secteur des soins”, écrit le PS. Qui a donc reçu une fin de non-recevoir dans le cas présent.