Belgique

La crise évitée pour la Vivaldi : PS et Ecolo contournent le piège du MR mais maintiennent une pression morale sur Hadja Lahbib

Face à l’indignation des députés, Hadja Lahbib avait opposé des explications parfois confuses et contradictoires. Lundi soir, lors d’une nouvelle session “musclée” de la commission Relations extérieures au parlement, la libérale a présenté des excuses et s’est expliquée à nouveau, sans réussir à convaincre.

Au sein du gouvernement De Croo, les socialistes et les écologistes, très remontés, ont affirmé à plusieurs reprises qu’ils ne pourraient pas soutenir la ministre des Affaires étrangères. Toutefois, le PS a annoncé, mardi en fin de journée, que son groupe parlementaire voterait la “motion pure et simple” déposée par les libéraux. Les socialistes choisissent donc d’emprunter cette porte de sortie que permet la technique parlementaire. Le groupe Ecolo/Groen, après plusieurs heures de réunions ce mardi, a suivi la même voie que le PS. Les verts voteront la motion pure et simple.

La “motion pure et simple”, le scénario des libéraux

Les libéraux (MR et Open VLD) avaient en effet déposé préventivement une “motion pure et simple”. Ce texte, s’il était bien adopté jeudi par les députés de la majorité, permettra à Hadja Lahbib de se maintenir à son poste. ” La motion pure et simple a la priorité sur les autres motions, analyse le constitutionnaliste Christian Behrendt (ULiège, KULeuven, École royale militaire). Si elle est adoptée, elle rend caduque les motions de méfiance. On passe simplement au point suivant à l’ordre du jour. L’incident est clos. La question de l’appartenance de Madame Lahbib au gouvernement ne se poserait plus, à moins qu’elle ne démissionne spontanément.

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Au PS, certains espèrent qu’Hadja Lahbib démissionne

Une démission spontanée d’Hadja Lahbib, justement, est l’espoir que caressent certains en coulisses. Si le PS évite le vote de la motion de méfiance de la N-VA, c’est uniquement pour éviter la chute du gouvernement De Croo. La confiance est durablement rompue vis-à-vis de la ministre des Affaires étrangères, comme l’explique le communiqué diffusé par les socialistes. “Le groupe PS rappelle que la situation de crise dans laquelle nous nous trouvons a été provoquée par l’incapacité de Madame Lahbib à informer correctement le Parlement, lequel a dû subir ses errements, ses contre-vérités et ses multiples tentatives de déresponsabilisation. (….) Ce vote (de la motion pure et simple), visant à ramener la sérénité et éviter une crise politique, ne signifie en rien que Madame Lahbib a regagné notre confiance et nous l’invitons en âme en conscience à en tirer les conclusions.

”En tirer les conclusions”…. Cette dernière formule est lourde de sens : si Hadja Lahbib ne part pas d’elle-même, l’exercice de son mandat sera rendu très compliqué par l’absence de soutien au sein de la coalition Vivaldi.

La motion de méfiance, une arme parlementaire

En tout cas, à court terme, le MR évite le pire : le vote d’une motion de méfiance contre sa ministre. Cette disposition, si elle avait été adoptée, aurait eu des conséquences radicales. “Après le vote d’une motion de méfiance individuelle, qui relève de l’article 101 de la Constitution (responsabilité des ministres devant la Chambre des Représentants, NdlR), le ministre visé doit présenter sa démission au chef de l’État. Il y est juridiquement et constitutionnellement contraint”, souligne Christian Behrendt.

Le constitutionnaliste apporte toutefois une nuance historique. “La motion de méfiance est l’une des motions les plus fortes que le parlement puisse voter car elle a un effet immédiat et propre. Il n’est même pas nécessaire de réunir le gouvernement, le kern ou autre, pour l’acter. Mais lorsqu’un ministre sait qu’il fait l’objet d’une telle motion et qu’il n’est pas sûr que le ‘non’ l’emportera lors du vote au parlement, il prend les devants et démissionne avant cette échéance parlementaire.

À plus long terme, la “victoire” libérale pourrait se révéler être une victoire à la Pyrrhus. Hadja Lahbib sort fragilisée par cette séquence des visas iraniens. Sur chaque dossier, elle devra batailler encore davantage afin de convaincre ses partenaires de gouvernement.

L’ombre de Vooruit ?

Certains observateurs de la vie politique, au nord du pays, voient dans cette décision du PS l’ombre de Vooruit, son parti frère en Flandre. Le président des socialistes flamands, Conner Rousseau, est accusé de comportements déplacés avec de jeunes hommes. Des plaintes ont été déposées. Les responsables de Vooruit auraient ainsi convaincu les socialistes francophones de ne pas aller au clash sur le cas Lahbib afin de ne pas risquer des élections anticipées dans un contexte aussi délicat. Mais cette lecture des évènements est balayée par nos sources PS : “On a dit depuis le début qu’on ne voulait pas la chute du gouvernement. On l’a dit à chaque interview et chaque commission”, explique un socialiste.

Le Premier ministre Alexander De Croo souhaite également clore l’épisode des visas iraniens. Il reste une année à la Vivaldi a-t-il rappelé, et des dossiers importants sont sur la table du gouvernement, comme la réforme fiscale et la prolongation de deux centrales nucléaires. « On doit tourner la page et c’est important de bien tourner la page« , a-t-il dit mercredi, interrogé en marge de la réception des Belgian Cats au Lambermont.