Belgique

Infractions routières: la date qui apparaît sur le P.-V. de l’amende que vous avez reçue a peut-être été bidouillée et voici pourquoi

Rien que sur le premier semestre 2022 (derniers chiffres disponibles auprès de la police fédérale), pas moins de 3,9 millions d’automobilistes ont été verbalisés pour des infractions diverses. Dont 80,5 % pour des excès de vitesse de plus ou moins grande importance.

Autant d’automobilistes qui sont invités à payer une perception immédiate dans les 10 jours suivant la date d’envoi du courrier. Pourtant, selon nos informations, cette date inscrite noir sur blanc en haut du procès-verbal ne serait en réalité pas la vraie date d’envoi.

La date d'envoi inscrite sur les perceptions immédiates ne serait pas toujours la date réelle d'envoi par la poste !
La date d’envoi inscrite sur les perceptions immédiates ne serait pas toujours la date réelle d’envoi par la poste ! ©DR

Pour mieux comprendre la situation, un petit retour en arrière s’impose. Depuis plusieurs années déjà, Bpost est chargée par le SPF Justice du recouvrement des amendes routières. En très résumé, cela signifie qu’après avoir constaté une infraction de roulage, notamment en termes de vitesse, les forces de l’ordre, dans un délai légal de 14 jours pas toujours respecté, transmettent à Bpost un fichier électronique contenant des données (nom, adresse, type d’infraction, montant de l’amende,…) concernant des milliers d’infractions. La date d’envoi de ce fichier envoyé à Bpost sera celle qui figurera dans les courriers envoyés aux automobilistes.

Or, après la réception du fichier électronique, Bpost – via sa filiale Speos – peut mettre jusqu’à deux jours ouvrables pour traiter le fichier, imprimer les documents et les envoyer réellement aux automobilistes concernés. En d’autres termes, une lettre supposément envoyée le 10 mai selon l’inscription en haut du document pourrait finalement ne l’être que deux jours ouvrables plus tard. “Le SPF justice envoie le fichier a Spéos qui a contractuellement 48 heures pour traiter le fichier même si, en moyenne ce délai est réduit à 24heures, confirme Virginie Claerhout, porte-parole du parquet national de sécurité routière, Crossborder. Speos le fait ensuite parvenir à Bpost qui l’envoie alors en prior aux citoyens.”

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”En Prior, le courrier aurait dû être reçu le lendemain. Il ne l’a été que cinq jours après la date supposée d’envoi. Cela démontre qu’elle était fausse”

Habitant en province de Namur, Thibaud en a fait les frais récemment. Le lundi 15 mai dernier, il a eu la mauvaise surprise de voir arriver dans sa boîte aux lettres une enveloppe contenant la copie du procès-verbal initial et une perception immédiate pour une infraction supposément commise le 27 avril. Avec le mercredi 10 mai comme date d’envoi. “Le courrier est pourtant arrivé à destination cinq jours plus tard, déplore Bruno Gysels, avocat de Thibaud spécialisé en matière de circulation routière. Or, il avait été, comme tous les courriers du genre, envoyé en Prior, ce qui signifie que le courrier aurait dû arriver dès le lendemain, voire le surlendemain. Il n’en a rien été. Cela montre parfaitement que la date du 10 mai inscrite sur le courrier était une fausse date.”

Le délai entre la date réelle d’envoi et celle inscrite sur le document aurait même pu être bien plus important. Prenons un exemple fictif : si le SPF a envoyé un fichier électronique à Bpost le mercredi 17 mai au soir, veille de férié, celui-ci pourrait n’être traité que ce lundi 22 mai, avec une date réelle d’envoi ultérieure de cinq jours à celle qui apparaîtra dans la perception immédiate. “Ça peut paraître un point de détail pour beaucoup mais cela peut pourtant empêcher le justiciable de faire valoir ses droits devant la justice et, dans de nombreux cas, d’obtenir son acquittement”, tonne maître Gysels.

Pour rappel, la copie du procès-verbal initial doit en effet être envoyée dans un délai de 14 jours à compter de l’infraction. Après ce délai, le justiciable n’est, théoriquement, plus tenu de payer la demande de perception immédiate. “Dans le cas de mon client, la date d’envoi inscrite dans la lettre qu’il a reçue indique le 10 mai, dernier jour pour que le SPF respecte ce délai de 14 jours, mais elle n’a sans doute été envoyée réellement qu’après par Bpost. Si on se base sur la date inscrite, il ne peut pas contester le non-respect du délai de 14 jours. Si on se base sur la date réelle d’envoi par la Poste, le délai des 14 jours pourrait ne pas avoir été respecté. Cela nuit fortement à l’équité des citoyens devant la justice.”

L’avocat précise aussi que cela met aussi le justiciable sous pression au moment de payer. “Quand il reçoit le courrier parfois 6 à 7 jours plus tard, le justiciable dispose d’un délai réel réduit pour effectuer le paiement. C’est sous la pression d’un délai aussi court que le justiciable effectue à la hâte le paiement. C’est un vrai scandale car cela empêche le justiciable de se renseigner sereinement et de faire valoir ses droits.”

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“95 % des contrevenants reçoivent l’amende dans les temps”

Contactée, la porte-parole de Crossborder, le parquet national de sécurité routière, confirme qu’il peut y avoir un certain délai entre la date d’envoi du fichier à Bpost et son traitement par celle-ci. Tout en indiquant que 95 % des contrevenants reçoivent leur amende routière endéans les 14 jours. “Parfois un parquet doit faire des recherches supplémentaires comme faire le contrôle une adresse erronée par la police, indique Virginie Claerhout. C’est ainsi que le délai d’envoi de l’amende peut parfois être plus long.” Un chiffre que conteste Maître Gysels, indiquant notamment qu’il n’aurait “plus de travail si tel était vraiment le cas.”

Toujours est-il que pour éviter les délais de livraison par la poste, le SPF Justice invite les citoyens à activer leur eBox, une boîte mail personnalisée destinée à recevoir tous les courriers officiels de l’administration. “L’amende est envoyée directement, de façon numérique, sur l’eBox, après réception du fichier reprenant les données. Ce qui permet de recevoir l’amende sous format numérique quelques jours plus tôt que la version papier.”

Mais pas forcément le jour-même de la transmission des données par le SPF à Bpost puisque là aussi Bpost dispose d’un délai de 48 heures.