Belgique

« Il faut arrêter de dire que tous les élèves qui ne veulent plus de l’école ont leur place dans le qualifiant”

Il a ainsi nourri de son expérience la réflexion qui a abouti à la rédaction du nouveau référentiel de formation manuelle, technique, technologique et numérique, d’application dans le tronc commun (qui emmènera à terme l’ensemble des élèves, dans un même parcours, de la maternelle à la 3e secondaire).

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Par ailleurs, un groupe de travail consacré à l’enseignement qualifiant est en train de se mettre en place, filière qu’il lui tient à cœur de valoriser. À côté du parcours d’enseignement qualifiant et de la rationalisation des options, un troisième axe d’action concerne les synergies entre enseignement, formation et emploi. C’est notamment tout ce qui concerne l’alternance. “On n’est pas encore très avancé mais j’espère qu’on pourra améliorer l’articulation avec le monde professionnel”, rapporte-t-il.

Enfin, Olivier Remels participe depuis peu en tant qu’expert au groupe de travail chargé de construire l’après tronc commun (il s’agit d’organiser les années d’enseignement à partir de la 4e secondaire).

À l’occasion des dix ans de la Fondation, et sur la base du premier état des lieux du qualifiant récemment dressé sans concession, Olivier Remels souhaite mettre en évidence cinq grands enjeux.

1. Améliorer l’orientation

“Le premier est la question de l’orientation, estime-t-il. On ne résoudra rien tant que des publics se dirigeront vers le qualifiant pour de mauvaises raisons. Des pratiques d’orientation positive doivent être mises en place dans le tronc commun. Les écoles doivent s’ouvrir aux acteurs qui se trouvent autour d’elle (cités des métiers, etc.).”

2. Valoriser l’alternance

Deuxième gros enjeu : la valorisation de l’enseignement en alternance. “L’alternance doit être clairement repositionnée pour ce qu’elle est : un mode d’acquisition des apprentissages à un moment donné, une étape au sein d’un parcours.” Et d’imaginer des parcours mixtes pour certaines options, qui commenceraient par deux ans de plein exercice par exemple, puis passeraient à l’alternance.

L’administrateur délégué défend l’idée que les modalités de l’alternance doivent être revues pour y inclure un nombre plus important d’acteurs. Pas seulement les Cefa (Centre d’éducation et de formation en alternance), l’IfaPME (Institut wallon de formation en alternance et des indépendants et petites et moyennes entreprises) et les EFP (Espace formation), mais aussi les écoles qui le souhaiteraient. “Il y a bien sûr des conditions liminaires à cette alternance entre 2 jours d’école et 3 jours en entreprise. Il faut assez d’entreprises qui accueillent et des élèves qui aient la maturité suffisante et soient bien préparés aux compétences comportementales utiles dans le monde du travail.”

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Pour réussir l’alternance, selon Olivier Remels, il convient encore d’améliorer la fluidité dans la transmission automatique du parcours des apprenants. “Il n’y a pas de lien entre les données de l’enseignement et le marché de l’emploi : ce serait bien d’avoir facilement accès au parcours complet des élèves. Dans ce cadre, la notion de modularité est une bonne chose.” Avec des unités d’acquis d’apprentissage à valider au fur et à mesure, ce qui permet de faire autre chose puis d’y revenir à un autre moment. “En plus du système 2 jours-3 jours, des formes innovantes d’alternance pourraient d’ailleurs être imaginées, ajoute le spécialiste, en s’appuyant davantage sur les centres de compétences notamment.”

Précision importante : s’il s’agit de positionner l’alternance comme une filière d’excellence, il faut arrêter de dire que tous les élèves peuvent y trouver une place. “Il faudra donc prévoir un système préalable de remédiation, de remise à niveau, pour tous les élèves qui ne veulent plus de l’école. Qu’ils puissent retrouver du sens.”

Si on parvient à faire en sorte que chaque élève soit à sa place dans un parcours revalorisé, on obtiendra forcément plus d’engagement de la part des entreprises, il en est certain.

Autre grand axe de progression : la formation des enseignants. “Ceux-ci ne sont pas assez formés aux réalités des métiers, constate Olivier Remels. Leur formation continuée, en contact avec les entreprises, doit être améliorée.” Il donne l’exemple du projet Entr’apprendre mené par la Fondation pour l’enseignement. “Chaque année, nous avons ouvert 150 places pour deux jours de formation sur le terrain. Et on n’en a trouvé que 80…” Il va même plus loin : “Le retour en entreprise devrait être obligatoire, au moins tous les trois à cinq ans.”

3. Actualiser les profils de métiers

Le troisième grand défi concerne l’actualisation des profils de métiers (qui définissent les compétences nécessaires aux travailleurs). “Aujourd’hui, il faut neuf ans entre l’intention de modifier un profil et sa mise en œuvre sur le terrain : on doit pouvoir aller plus vite.”

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4. Mieux utiliser les accords de coopération

“Les compétences morcelées rendent nécessaires de tels processus. Mais c’est compliqué aujourd’hui de bien les utiliser. Exemple : l’équipement en ordinateurs relève de la Fédération Wallonie-Bruxelles, tandis que la connectivité dépend des Régions. Il est évident qu’il faut se parler…” Ce n’est pas tout : “Il faut aussi mettre des moyens à disposition pour concrétiser les décisions.

5. Créer des passerelles entre le métier d’enseignant et les autres

L’administrateur délégué milite en faveur de carrières mixtes, dans l’enseignement et ailleurs. “Des mesures ont été prises pour améliorer les choses mais elles ne suffisent pas. Il n’est entre autres pas normal que, si vous décidez d’entrer dans l’enseignement en venant d’un autre emploi, vous recommenciez à zéro au niveau de votre ancienneté.” Des allers-retours entre l’école et les sociétés seraient tout bénéfice pour tout le monde, conclut-il.