Belgique

Des enseignants introduisent un recours contre la ministre Désir devant un magistrat

Un collectif d’enseignants s’interroge lui aussi. Pour avoir une idée précise de ce qui se passe, il a donc adressé une demande d’information à la ministre de l’Éducation, Caroline Désir (PS), concernant “les rapports, cartographies, ou tous documents faisant l’état des lieux de l’absentéisme des enseignants dans le fondamental et le secondaire en région bruxelloise depuis la rentrée scolaire 2019” (premier courrier resté sans réponse daté du 14 décembre dernier, suivi d’un rappel le 8 janvier).

Le 13 janvier, la ministre répond : “Il est exact que les relevés des absences des membres du personnel de l’enseignement sont transmis aux services de l’administration compétents. Ces données ne font toutefois pas l’objet d’un état des lieux systématique destiné à être présenté sous forme de rapport permettant de dresser un état des lieux de la pénurie d’enseignants.”

Devant la Commission d’accès aux documents administratifs

Insatisfait, le collectif revient à la charge le 16 février, avec une demande de reconsidération sur la plateforme Transparencia.be qui reprend l’intégralité des échanges dans ce dossier. “Nous vous prions une deuxième fois de bien vouloir nous transmettre les informations relatives aux absences des enseignants que votre administration détient”, écrit-il. Et il décide d’introduire un recours devant la Commission d’accès aux documents administratifs (la Cada).

Cette autorité, présidée par un magistrat, reçoit le recours de toute personne qui rencontre des difficultés à consulter ou à obtenir copie d’un document administratif en Fédération Wallonie-Bruxelles. Sa mission est expliquée sur son site : “Elle juge de la pertinence de l’éventuel motif de refus opposé par l’autorité administrative.” Son travail, autrefois consultatif, est contraignant depuis 2019. Autrement dit, si le magistrat estime qu’une autorité administrative doit fournir les données demandées, cette dernière est contrainte de s’exécuter. Le collectif attend qu’une date soit fixée pour cette audience.

La semaine passée, la ministre Désir a envoyé une dernière réplique à la Cada, via l’administrateur général de l’Administration de l’Enseignement. Quatre arguments y sont avancés, en tête desquels le fait que “les documents demandés n’existent pas ou ne sont pas en possession du cabinet et/ou de l’administration”. Concernant le recensement des absences, l’administrateur général précise que “ces données ne sont ni centralisées ni agrégées et répondre positivement au demandeur nécessiterait un travail matériellement impossible à réaliser actuellement tant la charge serait élevée”. Il évoque notamment la nécessité de tout anonymiser.

On se souvient que la demande visait “les rapports, cartographies et tous documents faisant l’état des lieux des absences”. Or, de deux choses l’une. Soit ces analyses fouillées n’existent pas, et on peut se demander comment trouver des solutions efficaces à un problème qui n’est pas étudié en profondeur. Soit elles existent et, dans ce cas, pourquoi ne pas les communiquer ?

Quand on évoque la difficulté d’assurer tous les cours, on se base le plus souvent sur les tableaux publiés dans les Indicateurs de l’enseignement concernant les titres en possession des profs en fonction. Plus ces derniers s’éloignent du titre requis à un poste, plus on considère qu’il est difficile de trouver des candidats (en ordre décroissant d’exigence, on demande d’abord les titres requis, puis on accepte des titres suffisants, ensuite des titres de pénurie et enfin des titres non listés). Les derniers tableaux montraient par exemple qu’en janvier 2022, un maître de langue sur trois dans le fondamental ne disposait ni d’un titre requis ni d’un titre suffisant.

Comme on le voit, ces statistiques officielles concernent les enseignants en place, pas ceux qui sont absents. Alors, y a-t-il d’autres données ?

Dans les indicateurs de la plateforme “Pilotage”

Depuis la réforme du pilotage des écoles (depuis qu’elles doivent rendre un certain nombre de comptes au gouvernement et à ses services, notamment via les contrats d’objectifs), une plateforme est à leur disposition qui leur permet de se comparer avec des établissements du même type pour déterminer ce qu’elles doivent améliorer. Cette plateforme “Pilotage” présente une série d’indicateurs, parmi lesquels justement le taux d’absence du personnel. Ce taux exprimé en pourcentage est calculé par la Direction d’exploitation des données, une des nombreuses branches de l’Administration de l’Enseignement.

Le fichier source permettant de fixer ce taux pour chaque école est la base de données Certimed (là où sont encodés tous les certificats médicaux). Ce pourcentage est obtenu sur base du total des jours de maladie introduits pendant l’année étudiée et du nombre total d’équivalents temps plein recensés au mois de janvier dans une école donnée.

Si la plateforme offre bien aux écoles les renseignements qui leur sont promis, on serait tenté de dire qu’un état des lieux centralisé des absences existe bel et bien. À moins que ce ne soit pas aussi simple ? Le cabinet de la ministre Désir n’a pas répondu à nos demandes d’éclaircissement.