Belgique

“De Wever a compris que le nationalisme flamand classique ne convainc plus grand monde”

Toutefois, depuis quelques années, ses propos se sont adoucis, sa cible politique s’est déplacée. Plusieurs facteurs l’expliquent. Le leader nationaliste espère un grand accord au fédéral après 2024 afin de faire évoluer le pays vers le “confédéralisme” à la sauce N-VA (des régionalisations importantes dépouilleraient l’État fédéral de l’essentiel de ses compétences). Bart De Wever n’est pas un révolutionnaire mais un réformiste. Pour arriver à ses fins, il aura besoin des francophones afin d’obtenir une majorité des deux tiers au parlement et réviser la Constitution pour un big bang institutionnel. Le PS, qui était par le passé la bête noire de De Wever, est désormais un partenaire potentiel. Inutile de trop le froisser en stigmatisant ses électeurs…

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Un moyen pour ratisser large

Pour Dave Sinardet, professeur de Science politique (VUB, Université Saint-Louis), un autre facteur doit être pris en compte : si la N-VA a lissé son style politique, c’est aussi parce que le nationalisme flamand n’a plus la même emprise sur le nord du pays. “À la N-VA, le discours nationaliste classique a disparu, analyse le politologue. Selon ce discours, il faut plus d’autonomie pour la Flandre. Pourquoi ? Car il y a une nation flamande, une culture flamande, une identité flamande. Pour protéger tout cela, il faut plus d’autonomie, voire il faut une nation indépendante. Mais Bart De Wever a compris que le nationalisme classique ne convainc plus grand monde. Alors, il a adapté son discours. L’autonomie de la Flandre n’est plus qu’un moyen pour obtenir une politique plus à droite. Moins de taxes et moins d’immigrés, pour résumer de façon lapidaire. C’est un moyen pour attirer à la N-VA des gens qui n’ont pas de fibre nationaliste. Les libéraux déçus de l’Open VLD, par exemple.

Pour Dave Sinardet, la question des transferts financiers est passée à l’arrière-plan au sein de la N-VA. Cela fait toujours partie de la réflexion de base du parti mais de manière moins éclatante. “Si la N-VA met moins le focus sur ce thème, c’est peut-être aussi parce que Bart De Wever sait qu’il devra accepter de verser encore plus d’argent aux francophones en échange d’une nouvelle réforme de l’État.” La N-VA veut anticiper un hypothétique accord et éviter d’être prise dans ses contradictions…

Le Belang a repris le flambeau

La nature ayant horreur du vide, le Vlaams Belang a repris le flambeau. En 2015, dix ans exactement après la N-VA, le Vlaams Belang avait d’ailleurs envoyé à son tour 16 petits camions chargés de faux billets au pied des ascenseurs hydrauliques de Strépy-Thieu… “Le Belang capitalise beaucoup là-dessus, note le politologue. Par exemple, Barbara Pas (députée VB) a écrit l’année dernière un livre sur les transferts.”

Bart De Wever réitère ses conditions pour gouverner avec le Vlaams Belang

Les questions linguistiques ont également eu tendance à prendre moins de place dans le débat public. “La question linguistique, ce n’est plus très porteur par rapport à ce qu’on a connu par le passé, ajoute Dave Sinardet. Il y a eu encore quelques problèmes dans la périphérie bruxelloise. Mais, même là, comparé à il y a 10 ou 15 ans, lorsqu’on parlait tout le temps des bourgmestres non-nommés, le sujet a presque disparu.

Enfin, la vision “romantique” de Flamands avançant unis sur la voie de l’indépendance a fait long feu. “Je me souviens d’une interview de Geert Bourgeois (figure tutélaire de la N-VA) qui disait qu’il était jaloux des Catalans qui réclamaient l’autonomie avec ferveur. Il évoquait les drapeaux qui sont sortis spontanément, les syndicats, le monde culturel, les médias qui reflètent l’identité catalane. Alors qu’en Flandre cette identité est perçue négativement par de nombreux secteurs de la société.