Belgique

Comment l’extrême droite belge pourrait s’emparer de la colère des agriculteurs

Au niveau européen

Pour Benjamin Biard, docteur en sciences politiques et chargé de recherches au sein du secteur socio-politique du CRISP, cette appropriation de la colère agricole par les formations d’extrême droite n’est pas anodine : “Il y a un intérêt pour ces partis de se montrer proches de la population, des travailleurs. C’est aussi l’idée de montrer son opposition aux institutions, aux décisions européennes, à la technocratie. Cela permet de mieux se positionner dans un ensemble politique plus global. C’est un contexte qui peut leur permettre de gagner en visibilité.”

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Le docteur en sciences politiques estime qu’il y a deux grands points sur lesquels l’extrême droite surfe dans ce contexte de tensions agricoles : “Il y a, tout d’abord, la question européenne et celle de la mondialisation de manière plus générale à laquelle s’opposent les formations d’extrême droite. Le deuxième élément, c’est qu’il serait possible de développer un discours de type populiste créant un antagonisme entre un peuple et des élites, notamment politiques ici, mais aussi économiques et financières de manière générale. C’est un discours que développent traditionnellement les partis d’extrême droite.”

Et en Belgique ?

Au niveau belge, les formations d’extrême droite commencent, elles aussi, à s’emparer de cette colère des agriculteurs. Au sud du pays, où l’extrême droite est moins présente, le parti “Chez nous”, a montré son soutien aux agriculteurs sur Facebook en inversant son logo de 180 degrés en référence aux panneaux de signalisation inversés, utilisés symboliquement. “On voit déjà des éléments de communication du parti sur le sujet, ils affirment, par exemple, que ‘le libre-échange tue nos agriculteurs ’C’est un parti qui essaie de faire sa place, mais difficilement. C’est un sujet qui peut lui permettre de se positionner. Il y a 6 axes principaux dans son programme : immigration, l’identité, la sécurité, l’État efficace, le racket fiscal mais aussi l’écologie de terroir. On a des accents environnementaux et des positionnements visant à défendre les agriculteurs et l’agriculture belge et wallonne”, explique Benjamin Biard. Le docteur en sciences politiques précise ensuite que les partis d’extrême droite ne sont pas les seuls à suivre ce mouvement agricole en Wallonie en mentionnant le MR et les Engagés qui “historiquement défendent les revendications du monde agricole”.

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Au nord du pays, alors que le CD&V est un parti qui entretient des relations de longue date avec le Boerenbond, le Vlaams Belang tente, lui aussi, de s’approprier ces revendications. Pour Benjamin Biard, cela n’est pas inédit : “La question agricole a déjà eu un impact durant d’autres législatures au sein du gouvernement flamand. Cela avait d’ailleurs questionné, dans le cadre du plan azote, le maintien du gouvernement flamand. Il y avait le CD&V d’un côté, l’Open VLD et la NVA de l’autre. À l’époque, le Vlaams Belang s’était déjà distingué, notamment en prenant part à certaines manifestations d’agriculteurs. Le parti n’a pas besoin de ce contexte pour gagner en visibilité mais pourrait clairement rebondir sur ces thématiques.”

Comme au niveau européen, les mouvements d’extrême droite belges misent surtout sur l’euroscepticisme comme argument de soutien envers la colère agricole : “Cette extrême droite est classiquement eurosceptique voire europhobe pour certains. Il est donc plus facile de rejoindre les revendications des agriculteurs qui pointent du droit la responsabilité des institutions européennes. On peut évidemment s’attendre à avoir une communication assez appuyée de l’extrême droite, au nord et au sud du pays par rapport à cette thématique particulière.”