Belgique

« Ce renoncement, je pense que c’était une décision émotive et, si je peux dire, égoïste »: à Zaventem, Mohamed Abrini aurait voulu sauver sa peau

L’“homme au chapeau” s’est exprimé devant la cour d’assises, comme il l’avait fait devant un psychiatre dépêché par les autorités judiciaires en 2016. Il a dit avoir vu des femmes et des enfants dans la file de passagers pour le vol vers les États-Unis. Il a expliqué, relate le Dr Jean-Paul Beine, qu’il avait alors renoncé à faire exploser sa ceinture et qu’il avait alors fait demi-tour. Selon ses dires, il aurait alors dit à ses deux comparses qu’il ne se ferait pas exploser. Un des deux terroristes qui se fera exploser, Ibrahim El Bakraoui, lui fera alors une accolade, lui disant qu’il prendrait sa place dans la file du vol vers les États-Unis.

”À propos de ce renoncement, il n’a pas parlé de quelque chose de réfléchi, mais comme d’un sentiment qu’il a eu tout à coup une fois dans la file”, a explicité le Dr Beine devant la cour d’assises.

”Quand il parle de ce renoncement, ce n’est pas pour dire qu’il ne voulait pas tuer des gens, c’est à lui qu’il a pensé. Je pense que c’était une décision émotive et, si je peux dire, égoïste”, décrypte le Dr Beine.

Je pense que c’était une décision émotive et, si je peux dire égoïste.

Radicalisé un jour, radicalisé toujours ?

Lorsqu’il a fait ce récit au psychiatre, Mohamed Abrini a fait référence à une petite fille qu’il verra dans le hall après les deux explosions. Vêtue d’une robe blanche et noire, elle était couverte de sang. “Ce sont là des détails qui m’ont fait penser qu’il s’agissait d’un discours spontané, et d’une certaine manière une certaine sincérité, même si celle-ci est momentanée.”

Un entretien de trois heures

Ces explications de Mohamed Abrini ont été recueillies par le docteur Beine lors d’une visite qu’il a effectuée à la prison de Beveren où l’accusé était incarcéré en 2016. Les gardiens avaient dit au psychiatre qu’Abrini refuserait l’entretien. Et, de fait, Abrini lorsqu’il a été confronté au docteur Beine, a opposé un non catégorique. “Une mini-conversation s’est engagée et, instantanément, il a dit : ‘Je viens’”, se souvient le Dr Beine. L’entretien durera trois heures. Et c’est le psychiatre qui, épuisé, y mettra fin.

”Il a évoqué sa peur face à sa propre mort programmée plus qu’un sursaut à l’idée de tuer autrui. Il ne se serait rendu compte de l’horreur des assassinats qu’à la vision des corps et du sang. Il en parle comme s’il ne s’était éveillé à cette réalité qu’après-coup”, note le rapport dressé par le Dr Beine et un psychologue en 2016.

Ce dernier, Donatien Macquet, a revu Mohamed Abrini en 2022, avec un autre psychiatre. Leur diagnostic ainsi que leur pronostic sur l’homme au chapeau est sombre. Ils ont décelé dans sa personnalité des structures antisociales. “Chez lui, la transgression est un mode de fonctionnement.”

Ils ont aussi décelé des traits psychopathiques dans sa personnalité, même si on ne peut lui accoler une telle étiquette. Ses capacités d’empathie sont assez limitées. Leur pronostic est extrêmement réservé. Ils notent chez lui un risque élevé en termes de récidive violente.

”On ne guérit pas d’un traumatisme généré par un attentat”