Belgique

Anderlecht: le rapport sur la base duquel Écolo a réclamé l’autorisation de signes convictionnels… ne préconisait nulle part leur autorisation

Anderlecht devient la première commune bruxelloise à voter une motion visant l’autorisation quasi générale du port de signes convictionnels

On trouve, à l’origine de ce vote, une motion déposée par Écolo/Groen, parti membre de la majorité. Le texte a créé une onde de choc au sein du conseil communal, mais aussi du milieu politique bruxellois. Le texte initial demandait une autorisation généralisée par la suppression de plusieurs alinéas du règlement du travail de l’administration, dont celui qui “interdit tout signe distinctif, acte et/ou parole, pouvant refléter une quelconque appartenance politique, philosophique ou religieuse”.

La tension politique a atteint un tel niveau que plusieurs élus ont été visés par des menaces. Le conseil communal de ce jeudi s’est même déroulé à huis clos, sur décision de police.

Port du voile dans l’administration: à Anderlecht, Écolo met le feu à la majorité en tentant de faire passer une autorisation « sans exception »

”Oui, on sort de la ligne régionale d’Écolo”

La proposition initiale outrepassait la ligne de parti d’Écolo sur la question.

Oui, on sort de la ligne régionale d’Écolo, mais nous innovons avec une proposition co-construite au niveau de l’administration. La méthodologie a été approuvée par un large groupe de travail composé de 37 travailleurs. Dans le rapport qu’ils ont remis figure l’autorisation des signes convictionnels”, assurait Nadia Kammachi (Écolo), l’échevine anderlechtoise de l’Égalité des chances, le 28 novembre dans la Libre, parlant du résultat d’un travail de trois ans.

Ecolo-Groen list in Anderlecht Nadia Kammachi poses for photographer in maarge of a press conference of green parties Ecolo and Groen to announce the Brussels' candidates for the 2024 local elections, Saturday 24 June 2023 in Brussels. BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK
Nadia Kammachi (Ecolo), échevine anderlechtoise de l’égalité des chances. BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK

Un rapport que les élus n’ont pas reçu

Ce vendredi, pourtant, ce fameux plan diversité réalisé par l’administration n’avait toujours pas été distribué aux conseillers communaux. “On s’est basé sur un rapport pour faire une motion mais personne chez nous ne l’a jamais vu”, regrette Lotfi Mostefa (PS), chef de groupe PS à Anderlecht. Le constat est partagé par Sofia Bennani, cheffe de groupe les Engagés, qui l’a d’ailleurs regretté publiquement lors du dernier conseil communal.

Réponse officielle de Nadia Kammachi : le rapport ne peut être transmis tant qu’il n’a pas été validé par le Collège.

La Libre est toutefois parvenue à se procurer ce plan diversité, tel qu’il a été présenté avant l’été aux dirigeants de l’administration anderlechtoise, avant d’être envoyé, en mai, au Collège communal en vue d’une validation.

Ce document de 31 slides reprend les retours et recommandations des 37 travailleurs lors de différents ateliers, ainsi que des actions à mettre en place. La lecture de son contenu est plus que surprenante. On n’y trouve en effet trace nulle part d’une quelconque demande visant à autoriser les signes convictionnels dans l’administration. Le seul passage qui y fait explicitement référence se contente de fixer comme objectif la “poursuite d’une réflexion globale sur le port des signes convictionnels au sein de notre administration”.

Le plan diversité de l'administration anderlechtoise, qui a mené à la motion réclamant l'autorisation sans distinction des signes convictionnels dans l'administration.
Le plan diversité de l’administration anderlechtoise, qui a mené à la motion réclamant l’autorisation sans distinction des signes convictionnels dans l’administration. ©AdM

Parmi les actions à mettre en place, il est ensuite question de “clarifier la définition de la neutralité du service public”. Contrairement à ce qui a été avancé par Écolo/Groen, il apparaît donc de manière évidente que le contenu du rapport n’est en aucun cas la source justifiant la motion pour l’autorisation des signes convictionnels déposée par les verts.

Comment justifier dès lors ce grand écart entre les propos tenus par l’échevine Nadia Kamachi, soutenue par la co-président d’Ecolo Rajae Maouane, et le contenu réel du rapport de l’administration ?

Des agents mécontents

Tentative d’explications. Au printemps 2023, les 37 agents de l’administration qui ont participé aux groupes de travail chargés d’élaborer un plan de diversité dans l’administration ont souligné plusieurs points prioritaires.

Parmi les problématiques les plus mises en avant, figuraient “le risque de discrimination à long terme” lié à la “non-représentation des femmes avec signes convictionnels” et le fait que le “port du foulard n’est pas autorisé”.

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« Les agents qui ont participé aux groupe de travail ont exprimé le fait que le rapport ne reflétait pas du tout les avis qu’ils avaient exprimé. Certains étaient vraiment choquée car l’idée était de co-construire une position, mais ils ne se retrouvaient pas dans le résultat. »

Avant l’été 2023, lorsque le rapport diversité a été présenté à la haute hiérarchie de l’administration anderlechtoise, les agents qui ont participé aux groupes de travail ont exprimé le fait que ce rapport ne reflétait pas du tout les avis qu’ils avaient exprimés. Certains étaient vraiment choqués car l’idée était de co-construire une position, mais ils ne se retrouvaient pas dans le résultat”, nous indique une source bien informée.

Cette insatisfaction n’a pas échappé aux élus Écolo/Groen. Nadia Kammachi, et Shahin Mohammad, chef de groupe au conseil communal, ont alors écouté leurs témoignages et recueilli leurs doléances. L’échevine de l’Égalité des chances a ensuite tenté de faire remonter l’information au sein du Collège communal, en vue d’obtenir un débat politique sur la question. Sans succès.

Les élus écologistes s’assoient sur le rapport et passent en force

La suite ? Les élus écologistes décident alors, tout simplement, de s’asseoir sur le rapport de l’administration. Et de passer en force.

Une motion sera finalement déposée sur la base de témoignages de travailleurs, sans validation de l’administration, ni de la majorité.

Certes, le texte adopté ce jeudi soir par le conseil communal d’Anderlecht, après une motion du PS, constitue une version légèrement édulcorée de la motion écologiste. De même, aucune échéance n’est formulée pour la mise en œuvre concrète, et l’envoi planifié du texte à Région fait craindre une mise au frigo. Il n’en reste pas moins que la quasi-totalité des agents de l’administration pourraient être, à terme, autorisé à porter des signes convictionnels dans l’administration anderlechtoise. Et que cela découle directement d’une initiative écologiste plus que cavalière dans les libertés qui ont été prises avec les recommandations de l’administration.

Une certitude : la méthode employée par Écolo laissera des traces au sein de la majorité anderlechtoise. “Aujourd’hui, ils se sont isolés au sein de la majorité, pointait Lotfi Mostefa, quelques heures après le vote de jeudi soir. Cet épisode va laisser des traces.