Belgique

À Bruxelles, le patriarcat aussi continue d’empêcher des femmes de travailler

En fin de semaine dernière, le ministre bruxellois de l’Emploi Bernard Clerfayt (Défi) a été vivement critiqué par ses partenaires de coalition, PS et Écolo, et jusque dans ses propres troupes pour ses propos jugés « consternants » et stigmatisants pour certaines communautés.

Interrogé sur le plateau de LN24 quant au faible taux d’emploi des femmes bruxelloises, l’intéressé avait déclaré ceci : “Beaucoup de femmes sont dans un modèle méditerranéen, qu’elles soient italiennes, marocaines ou turques d’origine. C’est un modèle familial où Monsieur travaille et Madame reste à la maison pour s’occuper des enfants”. Bernard Clerfayt épinglait ainsi l’écart de 10 points de pourcentage entre les hommes et les femmes en matière de taux d’activité à Bruxelles. « C’est une réalité. J’encourage à changer ces mentalités car tout le monde se trouve mieux s’il travaille. L’émancipation des femmes fait aussi qu’elles ont le droit d’avoir un travail”. Dit-il vrai ? Les femmes bruxelloises du prétendu “modèle méditerranéen” travaillent-elles moins?

12 % d’écart à Bruxelles selon Statbel

Le premier élément de vérification est le taux d’activité entre hommes et femmes de chaque région du pays, bien que la comparaison entre une région comme Bruxelles-Capitale et les deux autres régions présente ses limites. Sur la base des chiffres les plus récents de Statbel, on constate une différence de taux d’activité entre hommes et femmes plus importante à Bruxelles que dans les deux autres régions du pays : 12 points de pourcentage d’écart à Bruxelles, 7,5 points en Flandre et 8,9 points en Wallonie. En estimant un écart de 10 % à Bruxelles entre hommes et femmes, le ministre Clerfayt ne cite pas le chiffre exact, mais la tendance d’un problème à ce niveau-là est fondée.

Le second élément de vérification est l’origine des femmes qui peinent à accéder au marché de l’emploi. Statistiquement, à Bruxelles, le taux de participation des femmes au marché du travail dans les populations maghrébines, turques, grecques et albanaises est plus faible, rapporte le ministre Clerfayt. « Comme ce taux est aussi plus faible dans certaines catégories de population que l’on peut retrouver à Woluwe-Saint-Pierre ou à Uccle”, nuance-t-il aujourd’hui dans un entretien accordé à nos confrères de La Dernière Heure.

Ainsi, le dernier rapport d’Unia dévoile que le taux d’activité (le taux de participation au marché du travail, NdlR) des femmes immigrées natives atteint 68,8 % à Bruxelles. Celui des femmes immigrées non européennes atteint 50,8 %. À quoi il faut ajouter des discriminations systémiques à l’égard des femmes belges d’origine étrangère dont il est malaisé de chiffrer l’ampleur.

Oui, la politique belge est un monde sexiste : « Propos graveleux, regards lourds… Certains utilisent cela comme une arme politique »

Moindres revenus, manque de crèches

Enfin, des problèmes structurels continuent de toucher les femmes sur le marché de l’emploi, parmi lesquels la moindre rémunération (par rapport aux hommes) et le manque de places en crèches (et leur coût) dans la capitale qui les contraignent le plus souvent de rester à la maison pour s’occuper des enfants.

Fraîchement désignée présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique, la députée fédérale Sophie Rohonyi (Défi) n’a pas manqué de réagir à la sortie de son homologue bruxellois par ce tweet : “Le patriarcat qui enferme les femmes à la maison est systémique : il existe partout et depuis toujours. Nous devons d’urgence en sortir en changeant les mentalités et en investissant sur l’emploi des femmes et donc leur émancipation. Stop aux polémiques et agissons !”

De son côté, le ministre Clerfayt déclare assumer ses propos et être déterminé à améliorer le taux d’emploi des femmes en Région bruxelloise. “Dénoncer un fait n’est pas stigmatiser”, a-t-il déclaré pour tenter d’éteindre la polémique.