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Klaas Lodewyck, le directeur sportif de Remco Evenepoel : “Et pourquoi il n’enfoncerait pas le clou ?”

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« Lâcher le maillot de leader est parfois aussi difficile que le prendre. »

Samedi, au soir de sa prise de pouvoir sur le Giro, Remco Evenepoel a dit qu’il espérait profiter de la 4e étape pour céder son maillot rose à un coureur ne présentant pas de danger pour le classement final. Est-ce vraiment l’intention de l’équipe ?

”Pas forcément. Ce n’est pas si facile que cela à faire. Lâcher le maillot de leader est parfois aussi difficile que le prendre. Il faut que ce soient les bonnes personnes dans l’échappée. L’an dernier à la Vuelta, on aurait bien aimé qu’il abandonne la tunique rouge mais ça n’a jamais été possible et l’équipe dut finalement la défendre jusqu’à l’arrivée à Madrid. Aucun coureur n’avait été capable de prendre le relais de Remco. Honnêtement, il est compliqué de prévoir la perte volontaire d’un maillot.”

Comment en arrive-t-on à décider de céder le maillot ?

”En fonction des circonstances de course. Mais ce n’est ni un coureur en particulier au sein de l’équipe ni, nous, les directeurs sportifs, qui prenons cette option. C’est le peloton dans son ensemble qui donne les bons de sortie. C’est, donc, je le répète, tout sauf évident à faire. L’idée n’est, évidemment pas, de donner gratuitement du temps à un rival direct. Par conséquent, il n’est pas exclu que Remco garde le maillot rose jusqu’à Rome, comme l’avait fait Gianni Bugno en 1990.”

« La logique veut que Remco Evenepoel abandonne vite son maillot rose »

TIELT, BELGIUM - DECEMBER 27 : Lodewyck Klaas (BEL) Ass. Sports Director of Quick-Step Alpha Vinyl Team and Van Bondt Geert (BEL) Ass. Sports Director of Quick-Step Alpha Vinyl Team on December 27, 2022 in Tielt, Belgium, 27/12/2022 ( Photo by Jan De Meuleneir / Photo News
Klaas Lodewyck verrait bien son protégé… attaquer. ©JDM

Donc, lâcher le maillot n’est pas une priorité ?

”Absolument pas et on ne doit pas trop y penser, sinon on va laisser de l’énergie, de la tension nerveuse dans cette opération. Or l’équipe doit se concentrer sur elle-même et rien d’autre. Elle est solide et Remco peut, notamment, compter sur ses trois gardes du corps que sont Cattaneo, Czerny et Ballerini. Ils sont costauds et le protègent au sein du peloton.”

À quel point est-ce difficile de défendre un maillot de leader du premier au dernier jour ?

”En fait, ce n’est pas très compliqué… pour le moment. Quand ce sont des étapes réservées aux rouleurs, il faut veiller à rester bien placé à l’avant du peloton et à protéger le leader. Ces deux derniers jours, les gars l’ont très bien fait et leur tâche a été facilitée par les formations des sprinteurs qui voulaient contrôler l’écart avec les fuyards. Évidemment, en montagne, c’est autre chose et les équipiers y laissent beaucoup plus d’énergie. Mais porter le maillot rose présente également des avantages.”

”Le chrono parfait”, “Un présage pour les 20 prochains jours”, “Stratosphérique” : la presse européenne convaincue par Remco Evenepoel au Giro

Expliquez-vous ?

”Les autres laissent tes équipiers se mettre en position idéale pour prendre les bidons. Ils trouvent aussi normal que l’équipe du leader occupe une place de choix au sein du peloton. Enfin, ils acceptent le fait que ce soit la formation du maillot rose qui dicte le tempo.”

Peut-on, à l’inverse de ce que Remco a dit, imaginer qu’il se serve de ce final difficile pour essayer de prendre encore du temps à ses rivaux ?

”Oui, pourquoi pas ? Comme Roglic peut aussi l’attaquer. Peut-être que Remco peut profiter de sa grande forme actuelle pour grappiller quelques secondes supplémentaires et enfoncer le clou. N’oublions pas, non plus, que tout ce qui est pris n’est plus à prendre. Ce qui est important, en revanche, c’est qu’il récupère bien après la course. Qu’il ait le maillot rose sur le dos ou le blanc, il devra de toute façon monter sur le podium. Ajoutez à cela les interviews qu’il doit accorder et il laisse un peu d’énergie tous les jours.”

Mais il a l’air de faire ça de bon cœur. On le sent très détendu…

”Il donne cette impression. Mais, au fond de lui, il est quand même nerveux. Tous les candidats à la victoire finale le sont. Et un sprinter l’est le matin d’une étape qui est censée lui convenir.”

La montée finale vers le Lago Laceno (9,6 km à 6,2 % de moyenne) vous rappelle-t-elle le Pico Jano, où Evenepoel avait réussi son coup de force l’an dernier à la Vuelta ?

”Non, parce que la pente est moins raide. Mais il faut voir quelles seront les conditions climatiques. Cela aura une influence sur le déroulement de la course.”

Vous étiez avec Remco à la Vuelta. En quoi est-il plus fort huit mois plus tard ?

”Sa condition physique s’est encore améliorée et il a gagné en maturité. Il est encore plus leader aujourd’hui. Sa victoire en Espagne lui a donné beaucoup de confiance à ce niveau-là. Il a pris énormément d’expérience à la Vuelta.”

Quelle est, selon vous, sa plus grande menace d’ici Rome ? La troisième semaine ?

”Je dirais plutôt la journée sans que redoute tout coureur. S’il en connaît une en haute montagne, ça peut vite prendre des grandes proportions. Mais je ne suis pas fan des projections. Voyons au jour le jour.”