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Johan Bruyneel revient sur les années dopage dans le cyclisme : “Est-ce que je le regrette ? Non”

Bruyneel, complice d’Armstrong lorsque l’Américain a remporté ses sept victoires consécutives dans le Tour de France (1999-2005) qui lui ont été retirées après sa chute pour dopage, avait écopé en 2012 d’une suspension de dix ans par l’Association américaine d’arbitrage qui prononce les sanctions dans les affaires de dopage. L’Agence mondiale antidopage avait fait appel de cette sanction et réclamait une suspension à vie. Concernant ces Tours de France non-attribués, Johan Bruyneel parle d’une situation ridicule. “Essayer de réécrire l’histoire du Tour en supprimant un septuple vainqueur du palmarès, comme tente de le faire ASO, est également assez ridicule. C’est ridicule. Pendant ces sept années, le Tour a été couru et personne ne l’a gagné. Demandez à vos adversaires de l’époque qui a gagné le Tour de 1999 à 2005. Ullrich ne dira pas qu’il a gagné, Basso et Klöden ne le feront pas, pas plus que Zülle et Beloki”, explique-t-il à Het Laatste Nieuws.

S’il ne se considère plus comme un paria, Johan Bruyneel sait toutefois qu’on n’oubliera pas de sitôt son nom dans le monde du cyclisme. “Je ne pense pas que si je rencontrais le patron du Tour, Christian Prudhomme, il me saluerait. À un moment donné, Armstrong était plus important que le Tour. Le Tour a eu du mal à gérer cela. Nous avons sauté sur l’occasion, nous avons dit aux organisateurs : ‘Nous sommes plus importants que vous’. Cela a ensuite été puni…”

Johan Bruyneel ne cache pas non plus avoir pris de l’EPO à son époque de cycliste professionnel. “L’année 1996 a été l’apogée de l’utilisation de l’epo. J’étais moi-même coureur à l’époque. J’ai également utilisé l’EPO. Est-ce que je le regrette ? Non. Je faisais partie de cette génération, c’était comme ça à l’époque. C’était rejoindre ce mouvement pour savoir suivre ou rentrer chez soi. Certains ont arrêté, je ne vais pas citer de noms. Cela ne garantit pas pour autant que ces personnes n’ont pas eu recours au dopage.”

L’USADA (Ndlr : Agence américaine antidopage) estime même que, à l’époque, Johan Bruyneel avait créé et mis en œuvre le programme de dopage le plus sophistiqué de l’histoire du cyclisme à un moment où l’EPO n’était pas encore détectable. “Une limite d’hématocrite de 50 (volume de globules rouges dans le sang, exprimé en pourcentage, ndlr) était la limite. C’était une manière indirecte de restreindre l’utilisation de l’Epo. Pour moi, c’était simple. Je suis devenu chef d’équipe chez US Postal en 1999. À l’époque, je venais d’arrêter le cyclisme et je savais très bien comment un cycliste pensait. Tant que quelque chose est indétectable, le cycliste l’utilisera. Que faire alors ? Est-ce que vous laissez tout le monde tranquille, en disant : ‘Nous devons avoir des résultats. Faites ce que vous voulez, mais assurez-vous de ne pas vous faire prendre’ ? C’est en gros ce qui a été dit partout. J’avais un point de vue différent sur la question. Je ne voulais pas lâcher prise, je voulais contrôler. C’est pourquoi j’ai fixé la limite à 48 % d’hématocrite. Quiconque dépassait 48 % avant le départ pouvait rentrer chez lui. Pour moi, c’était le moyen de tout contrôler et de m’assurer qu’aucune folie ne se produise.”

Johan Bruyneel se défend d’avoir procédé de la sorte et assure qu’il n’a jamais mis en danger la santé de ses coureurs. “Personne n’a jamais été positif, personne n’a dépassé les 50. Et surtout, personne n’a jamais vu sa santé menacée. Est-ce que je le regrette ? Non. Aucun ancien coureur de mon équipe ne pourra jamais dire que je l’ai poussé, forcé ou que j’ai mis sa santé en danger. D’autre part, aucun coureur de notre équipe n’a jamais eu recours au dopage sans l’avoir demandé lui-même” se défend l’ancien directeur sportif auprès de Het Laatste Nieuws avant de revenir sur les méthodes utilisées pour “ne pas se faire gauler” comme on dit dans le jargon. “Les transfusions sanguines ? C’est vrai. Le “Motorman” qui se rendait à Nice avec de l’épo dans la glacière ? C’est également vrai. Qu’est-ce qui est mieux ? Dans d’autres équipes, on cachait de l’epo dans les jantes des voitures. À l’époque, en 1999, 2000 et 2001, le système était le suivant. Les vingt, trente, quarante, cinquante premiers au classement du Tour étaient sous epo. Ou alors 90 % du peloton était sous EPO.”