Maroc

Réflexions croisées sur le marché de l’emploi

Préparatifs des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI à Marrakech

Rencontre.
En prélude aux Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international prévues à Marrakech qui reprend son rythme après le séisme qui l’a secouée, un événement préparatoire est initié sur deux jours à Rabat. En voici les contours.

«Cette rencontre s’inscrit dans le cadre de «la route vers Marrakech », une série d’évènements qui ont débuté depuis quelques mois déjà et qui visent à préparer et à promouvoir les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international qu’abritera notre pays du 9 au 15 octobre prochain à Marrakech». Ainsi s’exprime, jeudi à Rabat Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib lors de la 3ème Conférence annuelle du réseau régional de recherche des banques centrales de la région MENA, qui se poursuit jusqu’à demain en attendant cet événement majeur dans la ville ocre. A elle seule, la rencontre de Rabat se tient sous le thème «Marchés du travail et transformation structurelle». L’occasion pour le gouverneur de la Banque centrale de présenter des chiffres.

Un chômage deux fois plus élevé
«Au niveau de notre région, la problématique de l’emploi se pose avec davantage d’acuité. En effet, le chômage atteint globalement un niveau deux fois plus élevé que la moyenne mondiale, soit 10,4% contre 5,8% en 2022. Il touche particulièrement les jeunes dont un sur quatre est au chômage et pour la tranche de 15 à 24 ans, environ le tiers ne sont ni employés, ni scolarisés, ni en formation. Dans de nombreux pays, ce sont paradoxalement les jeunes diplômés qui souffrent le plus du chômage, généralement de longue durée. La région reste aussi confrontée à la faible participation des femmes qui enregistrent un taux d’activité avoisinant 20%, bien en dessous de la moyenne mondiale qui est proche de 50%», détaille M. Jouahri qui met en avant l’apport de la politique publique pour l’emploi. Celle-ci peut, à son sens, «contribuer sur plusieurs autres volets ».

« Il s’agit en amont de la préparation des jeunes au marché du travail à travers l’amélioration de la qualité de l’éducation et de la formation, et plus globalement l’investissement dans le capital humain. En aval, sa contribution passe par la mise en place de mesures et d’une réglementation adéquate du marché du travail, facilitant l’embauche, octroyant des incitations ciblées à l’emploi salarié ou à l’entrepreneuriat, apportant un soutien direct aux personnes ayant des difficultés d’accès à l’emploi, … », avance le responsable qui met en avant le rôle de la recherche dans le secteur. Celui-ci étant marqué, d’après lui, par « des changements de paradigmes et des transformations profondes ». Dans ce sens, il cite, par exemple, le changement climatique.
« La montée du protectionnisme et du souverainisme économique engendre une reconfiguration des chaînes de production et en conséquence une redistribution de l’emploi au niveau international. De plus, la révolution digitale rehausse certes les exigences en matière d’accès au marché, mais la disparition massive annoncée de l’emploi ne paraît pas se matérialiser et de nombreuses études mettent en exergue que l’impact final reste en grande partie incertain.

Par ailleurs, l’essor que devait connaître le travail à distance après la pandémie ne semble pas se confirmer, certains travaux soulignant la baisse de la productivité qu’il induit », ajoute d’emblée l’orateur. Par la même occasion, il ressort la donnée comme condition. « Il est clair qu’il ne peut y avoir de recherche avec des implications concrètes en matière de politique publique sans la disponibilité d’une donnée fiable et d’actualité », estime-t-il.

Les réalisations faites au Maroc
Egalement de la partie, le ministre de l’inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, Younes Sekkouri, met en avant les «réformes» introduites dans le pays. Dans ce sens, il ressort la loi organique sur la grève qui, d’après lui, «était nécessaire». «Le code du travail doit s’attaquer à différents défis», poursuit-il en s’exprimant sur une organisation du marché du travail. Pour lui, le défi «n’était pas au niveau de la mise en œuvre, mais dans l’aboutissement de la volonté politique». «C’est ce qui permet d’avoir un environnement propice», enchaîne-t-il en évoquant entre-temps le programme «Awrach». Dans ce sens, il établit un rapport étroit entre l’emploi et l’éducation. «70% des bénéficiaires d’Awrach n’ont aucun diplôme », illustre le responsable gouvernemental qui s’exprime sur la nécessité de s’attaquer aux problèmes réels dans les programmes politiques.

Le tout en rappelant un travail sur une organisation de la gouvernance dans le cadre du code de travail. A propos de la main-d’oeuvre marocaine sollicitée à l’étranger, le ministre révèle la proposition d’un « plan d’intégration verticale». De son côté, le vice-président régional de la Banque mondiale, Ferid Belhaj, estime: «Il faut trouver des politiques publiques qui nous permettent de répondre aux défis ». Pour lui, le rôle de l’Etat est important. Il présente un chiffre de 300.000 millions de jeunes chercheurs d’emplois au Maroc et en Iran en 2050. «Il faut ouvrir des portes », ajoute-t-il en nommant le secteur privé lors de cet événement marqué par une grande pensée pour les sinistrés du séisme d’Al Haouz et régions.

avis d’un expert

RegardsDe son côté, Chang-Tai Hsieh, Phyllis et Irwin Winkelried professor of economics à l’Université de Chicago Booth school of business, pointe du doigt le problème, dans le marché, de « productivité et d’inadéquation». Ce problème étant doublé de « privilèges ». Par la même occasion, il donne l’exemple de la Chine où 80% de l’économie était composée en 1998 d’entreprises étatiques avant de basculer vers un développement du secteur privé. Quant aux privilèges, c’est, pour lui, « l’innovation qui permet leur érosion ». A propos des réformes, il recommande : «Il ne faut pas que ce soit des réformes très dures ». « Il faut essayer de trouver d’autres voies », poursuit-il en livrant un regard prospectif sur l’intelligence artificielle. Pour lui, « c’est le temps qui nous le dira ». Pour rappel, cette 3ème conférence abordera en deux jours différentes problématiques de l’emploi dans la région Mena.