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Réintégration des États-Unis à l’Unesco : “Il y a beaucoup d’hypocrisie et de démagogie”

Avant tout, c’est toujours une bonne nouvelle pour le système multilatéral lorsque la plus ancienne démocratie moderne, première puissance économique, militaire et culturelle au monde, décide de réintégrer une organisation multilatérale.

Mais il faut regarder les choses telles qu’elles sont, il y a quand même une certaine hypocrisie. Lorsque les États-Unis ont quitté l’Unesco, ils ont effectué une rupture très différente de celle de 1984 sous Ronald Reagan. Les relations n’ont en fait jamais été coupées depuis 2017 entre l’organisation et les Washington. Il n’y a jamais eu de rupture totale. Ce geste de réintégration permet de normaliser une coopération qui n’avait en fait jamais véritablement cessé depuis 2017 et donc d’avoir un peu plus de poids dans ce qui touche à l’éducation, la science, la culture.

Deuxièmement, Biden aurait pu décider du retour des États-Unis au sein de l’Unesco dès son arrivée. Cela aurait été un geste fort en faveur du système multilatéral et une façon de montrer une différence avec la politique isolationniste de son prédécesseur. Cependant, il ne l’a pas fait. D’une part, parce que la population américaine s’en moque et, d’autre part, malgré l’approche différente de celle de Trump, parce que Biden ne prend plus véritablement en considération le système multilatéral. S’il avait vraiment voulu réintégrer plus tôt l’Unesco, il l’aurait fait.

Aujourd’hui, cette réintégration sert évidemment le système international, mais s’inscrit surtout dans un geste de démagogie à un an des élections présidentielles pour les quelques Américains progressistes qui savent ce qu’est l’Unesco.

À quoi sert l’Unesco ?

Que pensez-vous de l’affirmation selon laquelle la réintégration de Washington à l’organisation internationale est une réaction à la montée en puissance de la Chine dans les organisations multilatérales ?

Il y a certes une volonté des États-Unis de reprendre du terrain aux Chinois, mais ce ne sont que des paroles. Aujourd’hui, la Chine est très présente dans le système onusien, mais je ne pense pas que ce soit l’unique raison pour laquelle les Américains ont eu envie de réintégrer l’organisation. Il n’y a pas de vraie volonté de contrecarrer la mainmise de la Chine sur le système onusien. Les États-Unis délaissent depuis maintenant plusieurs années le système onusien. Beaucoup de postes stratégiques, qui ne sont pas tous des postes de première importance, sont entre les mains des Chinois ou de leurs alliés, par exemple.

Cette réintégration doit apporter un nouveau souffle pour le budget de l’Unesco, les États-Unis étant le premier contributeur de l’organisation. À quoi peut-on s’attendre par la suite en cas de vote favorable des autres États membres sur la demande de réintégration américaine ?

Globalement, je le répète, les États-Unis se désintéressent peu à peu du système multilatéral et des organisations onusiennes. Dans un premier temps, on va beaucoup entendre les États-Unis à l’Unesco. Cependant, même si Biden est réélu, les États-Unis vont très vite se désintéresser de cette institution comme ils ont commencé à se désintéresser du système onusien globalement.

Que ce soit sous Biden, Trump ou Obama, les États-Unis se sont peu à peu retirés du système multilatéral ou des organisations internationales, notamment onusiennes. S’il y avait une véritable volonté de relancer le système multilatéral, Biden se serait servi de ces différents organes onusiens – Assemblée générale et Conseil de Sécurité – pour tenter de stopper la guerre en Ukraine. Pourtant, rien ne s’y passe.

Existe-t-il encore un réel intérêt pour les États à faire partie du système de l’Onu ?

Bien sûr, il serait évidemment absurde de quitter ce club qui a une certaine influence. Pour ce qui est des grandes puissances qui occupent un siège permanent au Conseil de Sécurité de l’Onu, bien évidemment qu’il faut conserver ce siège. Cependant, il suffira d’un événement pouvant contrarier Trump, s’il est réélu, pour qu’il décide de quitter le Conseil de Sécurité de l’Onu, comme en 2017 lorsqu’il avait décidé de quitter l’Unesco sur fond de gabegie financière et, selon lui, de “partis pris” anti-israéliens.

Par ailleurs, pour la plupart des petits États, obtenir une place de membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies relève du prestige. Mais dans le même temps, aujourd’hui, ils ne se servent plus de l’Assemblée Générale pour s’exprimer à la face du monde. Ils préfèrent collaborer au sein d’ensembles régionaux qui leur permettent de dialoguer avec les grandes puissances, essentiellement la Chine, la Russie et les États-Unis.

L’inculpation de Donald Trump pourrait lui valoir jusqu’à 420 années de prison