International

L’écrémage de la législation britannique post-Brexit sera moins ambitieuse que prévu

La ministre au commerce, Kemi Badenoch, avait justifié le changement d’approche dans un texte publié la semaine dernière dans The Telegraph, le quotidien de prédilection des adhérents du Parti conservateur : “Apporter de la certitude aux entreprises en indiquant clairement quelles réglementations disparaîtront, et non pas seulement celles qui seront sauvegardées”.

La plupart des 588 lois ne s’appliquent plus au Royaume-Uni depuis le Brexit. Près de deux cents d’entre elles concernent ainsi la Politique commune de la pêche et des accords signés par l’UE avec des pays tiers pour l’attribution de quotas de pêche. Une autre portion importante a trait à la mise en place de critères spécifiques pour les échanges de biens et de services entre l’UE et des pays tiers. Si de nombreuses lois destinées à la poubelle traitent de la protection de l’environnement, elles avaient pour la plupart déjà été remplacées ou actualisées.

« Sous ma direction, le Royaume-Uni ne poursuivra aucune relation avec l’Europe… »: Rishi Sunak rejette la « solution suisse » concernant le Brexit

Un processus de longue haleine

Consciente que le nombre de lois européennes vouées à disparaître à la fin décembre a fortement diminué par rapport aux ambitions initiales de son gouvernement, Kemi Badenoch avait précisé, dans The Telegraph, que les autorités entendent “continuer à modifier la législation de l’UE, de sorte que les réglementations plus complexes pourront toujours être abrogées ou réformées après une évaluation et une consultation appropriées”.

Ce message n’a pourtant pas calmé l’ire des Brexiters les plus radicaux. Pour Jacob Rees Mogg, ancien ministre aux Possibilités du Brexit et à l’Efficacité gouvernementale, abroger 588 lois au lieu de plusieurs milliers “manque pathétiquement d’ambition”. À ses yeux, cela équivaut tout simplement à une “reddition au blob” (l’Administration) qui “risque d’exposer le gouvernement au ridicule”.

Lors du congrès du Parti conservateur d’octobre dernier, Mogg avait applaudi le fait que “l’abrogation des lois était le principe par défaut” qui permettait de revenir à l’idée “que tout ce qui n’est pas interdit est autorisé”. Il avait néanmoins douché les espoirs des libéraux les plus radicaux en indiquant que “tout déréguler nous ferait perdre le soutien populaire et nous ferait passer pour des fous, car la plupart des gens ne veulent pas revenir à l’époque non régulée des années 1950”. De nombreuses législations servent en effet à “protéger les gens”, avait-il cru bon de rappeler.

Quelle jurisprudence ?

Aux yeux des juristes, le changement d’approche s’avère être une avancée “bienvenue”. Néanmoins, ils remarquent que le principal souci n’est pas écarté : à la fin de l’année, l’effet interprétatif de la loi européenne, qualifié par le gouvernement de “suprématie de la loi de l’UE sur la loi britannique”, prendra fin. C’est-à-dire que toute la jurisprudence européenne ne s’appliquera plus au Royaume-Uni.

“Étant donné que les tribunaux et les juridictions inférieures ne seront plus liés par le droit communautaire en vigueur, la question se pose de savoir comment les principes jurisprudentiels établis de longue date seront appliqués”, s’était inquiété lors d’un comité parlementaire Shanta David, la responsable des services juridiques du syndicat de la fonction publique Unison. “Or, le seul moyen de clarifier la législation au fur et à mesure et d’obtenir une certitude sur la loi, c’est le contentieux. Les litiges sont coûteux, et les recours prendront beaucoup de temps.”