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Aux Pays-Bas, “la femme d’un fermier sans ferme” secoue l’échiquier politique

Un message adressé au gouvernement Rutte

Aux yeux de David*, un Amstellodamois debout aux aurores pour se rendre au travail, les résultats ne sont que le reflet de la situation dans le pays. “C’est exactement le ton de la politique aux Pays-Bas en ce moment. ”, s’exclame-t-il. Le jeune homme a voté pour le parti JA21 (proche de l’extrême droite), qui a gagné 3 sièges au Sénat, et il se dit “ravi. ”. “Ce n’est jamais arrivé, continue-t-il. C’est historique ! Les gens en ont vraiment marre. ”.

Un sondage semble donner raison à David et Caroline Van der Plas. Selon l’institut Ipsos, 60 % des 2500 électeurs interrogés ont voté pour exprimer leur opinion sur le gouvernement, et 46 % pour signifier leur désaccord. Une majorité cite l’incompétence de l’exécutif comme raison principale de leur mécontentement.

Les grands perdants de cette élection, comme l’avait prédit le politologue David Bos avant les élections, sont les Chrétiens-Démocrates (CDA) qui se retrouvent avec 5 sièges (-4). « Les Néerlandais des régions rurales ne s’identifient pas à Wopke Hoekstra, à la tête du parti CDA. Il est trop associé à une vie citadine, alors que Caroline van der Plans représente la nouveauté et inspire confiance aux agriculteurs. ” explique ce spécialiste. Et la popularité du parti est en bonne partie due à sa cheffe de file.

Une journaliste proche des éleveurs porcins

Carolina Ann Maria Van der Plas naît à Cuijk le 6 juin 1967. Fille d’un père journaliste sportif et d’une mère conseillère municipale à Deventer, elle a baigné toute son enfance dans la politique. Entrée dans la vie active en 1986 en tant que journaliste, elle est devenue rédactrice en chef de Pig Business et Pluiveeweb. Un pied dans l’écriture, l’autre dans le monde agricole, elle s’intéresse beaucoup aux questions liées à l’élevage porcin.

Elle a d’abord fait parler d’elle en 2018 en tentant d’entrer au conseil municipal, sur la liste du CDA à Deventer. En 2019, elle claque la porte de ce parti, estimant que “les thèmes ruraux méritent beaucoup plus d’attention à La Haye qu’ils n’en ont”. La même année, elle perd son mari, Jan, atteint d’un cancer du pancréas, et se retrouve seule avec deux fils. Elle fonde alors le BBB. En 2021, son parti remporte premier succès en décrochant un siège aux élections législatives et elle devient députée à la deuxième chambre du Parlement.

Affirmant ironiquement se considérer “comme la femme d’un fermier sans ferme”, dans sa biographie affichée sur le site du Parlement, elle construit son image sur cette approche qui la rend populaire. BBB est un parti nouveau, qui ne représente pas les paysans mais “les 9 millions d’habitants en dehors de la Randstad” – soit le monde rural -, aime-t-elle dire. Caroline van der Plas n’est pas non plus inaccessible. À Deventer, la ville où elle réside, tout le monde l’adore et elle le sait. Elle va à la rencontre des gens et c’est sa force.

Reste à voir quelles coalitions se formeront au Sénat en mai, et si les sénateurs du BBB pourront s’associer avec les partis de gauche pour former une majorité malgré leurs désaccords sur les grands enjeux de la politique néerlandaise, comme la crise de l’azote et la politique climatique.

*Prénom d’emprunt