France

Lyon : « Ils veulent juste qu’on disparaisse »… Les prostituées de Gerland réagissent à l’annonce d’une expulsion

« La situation est urgente », avait affirmé mi-février, Mohamed Chihi, évoquant l’accueil des All Blacks à Gerland. L’adjoint au maire de Lyon chargé de la sécurité voulait éviter « une cohabitation entre les prostituées et les joueurs » de rugby et assurait qu’une « collaboration avec les services de l’Etat » était en cours. Deux mois plus tard, il semblerait que la préfecture se soit saisie du sujet « dans le cadre du plan 0 délinquance », précise-t-elle.

« Les filles de Gerland ont appris, lors d’une réunion début avril, qu’elles allaient être dégagées d’ici deux semaines », explique Lili*, médiatrice pour l’association Cabiria, qui soutient les prostituées. « Ils veulent juste qu’on disparaisse, ajoute-t-elle. Mais où va-t-on aller ? » La porte-parole soulève une question qui dépasse la région. Comment encadrer la prostitution ?

La préfecture « applique la loi de 2016 »

Sollicités, les services de l’Etat démentent les propos des travailleuses du sexe. « Nous avions bien reçu ces femmes pour échanger mais aucun arrêté n’a été pris pour l’instant », assure-t-on. Avant d’ajouter : « Nous leur avons précisé que nous étudions toutes les modalités et qu’on réfléchissait à des moyens d’action. »

Mais quelles sont ces modalités ? « On applique la loi de 2016 », assurent les services de l’Etat. Traduction : les policiers nationaux peuvent sanctionner les clients s’ils sont pris en flagrant délit et faire appliquer les arrêtés de la mairie.

Côté municipalité, le champ d’action se limite à poser des arrêtés antistationnement. L’activité des prostituées est alors perturbée. Elles ne peuvent pas garer leurs camionnettes où elles le souhaitent, au risque de voir leur véhicule atterrir à la fourrière ou recevoir des amendes.

La mairie assure cependant qu’elle ne veut pas suivre la stratégie de la mandature prédécente qui n’avait fait que « déplacer le problème ». « Nous n’avons touché à aucun arrêté mis en place […] mais nous n’allons pas continuer sur ce terrain-là, affirme l’adjoint à la sécurité. On ne combat pas le proxénétisme par des arrêtés antistationnement. Ce n’est pas de cette manière que la prostitution disparaîtra. La preuve. »

« Encadrer la prostitution reviendrait à être proxénète »

Lili affirme que les prostituées accepteraient de partir si « un endroit stable et protégé » pour exercer leur métier était trouvé. « Une médiation avec la mairie et le collectif de parents avait même débuté pour aménager les horaires de travail des filles et déranger le moins possible le quartier de la Plaine des jeux », appuie-t-elle.

Interrogé en février à ce sujet, Mohamed Chihi, adjoint au maire à la sécurité, avait répondu : « La loi interdit purement et simplement toute action qui reviendrait à encadrer l’activité de prostitution. Cela ferait de la ville de Lyon un proxénète ».

« Il suffit donc d’abroger les lois sur le proxénétisme et toutes celles qui sont contre le soutien du travail du sexe », expose Simon*, travailleur du sexe et animateur de prévention. Pour lui, la réglementation en place ne fait que « mettre en danger les centaines de vies » concernées. « Il n’y a jamais aucune solution pérenne. Elles sont des indésirables à la société. Mais elles ont aussi besoin de travailler, de gagner de l’argent et de vivre », lance-t-il. « Si on avait une solution face à ce problème, ça ferait longtemps qu’on l’aurait utilisée », conclut-on du côté de la préfecture.

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes interviewées.