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Au Kosovo, les jeunes ont les yeux tournés vers l’avenir, l’Europe et la liberté : « La politique, on en a marre »

Le Grand Hôtel, qui abrite encore l’ancienne suite personnelle de Tito, est là pour en témoigner. Pour une quinzaine d’euros, vous pouvez même y séjourner et profiter de la moquette d’époque, des téléphones vintage et des vieux canapés. Mais le Kosovo, lui, est séduisant. Le pays se révèle même extraordinairement accueillant, porté par une population bouillonnante, composée à plus de 60 % de jeunes de moins de trente ans, les yeux tournés vers l’Europe et l’avenir.

Il y a vingt ans, Balkan Trafik naissait… dans une friterie de Schaerbeek

Des gamins surdoués

“Moi, je suis en colère”, nous lance Fitore Berisha, artiste, activiste, maman et figure du féminisme local. “La guerre a été très dure, en particulier pour les femmes, et ce jeune pays doit maintenant apprendre à éduquer ses enfants.” Juste derrière elle, une immense façade arbore l’une de ses œuvres – Broken Dreams – représentant deux femmes de générations différentes, aux paupières surmontées de miroirs brisés.

"Broken Dreams"
« Broken Dreams » ©V. Dau

“Avec le manque de travail et de liberté de mouvement (les Kosovars ne disposent toujours pas d’un droit d’accès à l’Union européenne, et les visas sont rarissimes, NdlR) les gens deviennent dingues”, poursuit l’artiste d’une cinquantaine d’années, qui dévoilera une fresque à Bruxelles (Marolles) dans le cadre du festival Balkan Trafik. “Et pourtant, il y a beaucoup d’espoir : des gamins surdoués commencent à gagner beaucoup d’argent dans l’IT et les nouvelles technologies, énormément de jeunes apprennent l’allemand pour pouvoir aller travailler en Allemagne, en Autriche ou en Suisse.” Dans un pays d’un million huit cent mille habitants auxquels il faut ajouter un million d’exilés, la diaspora a toute son importance, financièrement, culturellement et politiquement parlant.

“Je veux faire venir les gens ici”

Fitore Berisha n’est pas la seule à orner le béton de couleurs. La ville regorge d’œuvres de street art de qualité disséminées un peu partout. L’artiste n’est pas isolée non plus dans sa vision d’espoir. “Moi je suis né à Londres, j’ai vécu en Belgique, et je suis revenu à Pristina”, nous lance Uliks Zaimi, cameraman d’une trentaine d’années. “Je suis resté coincé ici avec le Covid et je me suis rendu compte qu’il y avait plein d’opportunités. Les jeunes veulent laisser le conflit derrière eux, ils ont envie de liberté, de développement. Et moi, j’ai envie de faire revenir ou venir les gens de l’étranger.”

La Mitrovica et la Roma Rock School préparent un projet commun pour Balkan Trafik.
La Mitrovica et la Roma Rock School préparent un projet commun pour Balkan Trafik. ©© David Vannucci – Balkan Trafik 2023

Même enthousiasme du côté de la Mitrovica Rock School, qui sera elle aussi de passage à Bruxelles fin avril dans le cadre du festival Balkan Trafik. Tristement connue pour être coupée en deux par une rivière séparant communauté serbe et albanaise, régulièrement pointée comme lieu de tension dans la région, Mitrovica passe lentement à autre chose.

Symbole de cette évolution, la Mitrovica Rock School rassemble des jeunes des deux communautés autour de la musique. Dans leur local de répétition, points de drapeaux nationalistes, mais des t-shirts de Nirvana, Metallica, Dua Lipa ou Taylor Swift. “Je suis la chanteuse du groupe Zénith, nous lance Erjona, 18 ans. La politique, nous, on en a un peu marre. Je préfère écrire des chansons d’amour, utiliser des métaphores, et aller représenter Mitrovica dans le monde entier.”

Au Kosovo, les jeunes ont les yeux tournés vers l'avenir, l'Europe et la liberté : "La politique, on en a marre"