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« Pour des raisons de sécurité, je demande à la ministre de la Défense de supprimer son compte TikTok »

Et le débat commence également à prendre de l’ampleur en Belgique. Et risque bien d’animer les échanges à la Chambre ce jeudi. Le député fédéral Georges Dallemagne (Les Engagés) compte, en effet, interpeller ce jeudi la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder. “La ministre utilise TikTok avec un compte privé pour sa communication politique. Le fait-elle alors qu’elle dispose de deux téléphones, un personnel et l’autre professionnel ? Et si oui, avec des connexions possibles entre ces deux téléphones, pour autant qu’elle en possède bien deux ? Je ne le sais pas mais en tout état de cause cela pose un véritable problème d’exemplarité par rapport à la réalité d’une menace de sécurité sur l’utilisation des données. Je demande à la ministre de supprimer ce compte”, nous a-t-il expliqué. Et d’ajouter : “Nous vivons la pire crise de sécurité que connaît l’Europe depuis l’après-guerre et on sait que la Défense a fait récemment l’objet de cyberattaques. Il y a donc un contexte extrêmement lourd qui incite à ne pas prendre le moindre risque en la matière. On sait depuis trois ou quatre ans qu’il y a des doutes concernant TikTok et la porosité entre cette entreprise privée et les autorités chinoises sur l’utilisation des données”.

« La présence de Dedonder sur TikTok est décalée par rapport à sa stratégie de construction d’image »

Avis négatif

Depuis début 2022, la Défense a interdit que cette application soit téléchargée sur un appareil qui contient également des données relatives à la Défense et imposé que toute utilisation soit motivée dans une demande préalable. “La Direction générale de la Communication stratégique (DG-Stratcom) a émis un avis négatif sur l’utilisation de l’application TikTok, y compris pour les téléphones personnels, sauf dérogation introduite et dûment motivée. La ministre a-t-elle demandé et obtenu une telle dérogation ?”, se demande encore le député.

“Comme pour tous les réseaux sociaux, des précautions ont été prises afin de limiter la porosité entre mes données personnelles et professionnelles et garantir la sécurité des informations qui me sont transmises. En ce qui concerne plus particulièrement l’application TikTok, celle-ci n’est pas installée sur mon téléphone professionnel”, nous a précisé mercredi peu après 18 heures la ministre de la Défense par l’intermédiaire de son porte-parole. Et d’ajouter: « Au-delà de la question de la sécurité, le véritable enjeu lié à TikTok est le respect de la vie privée et de notre législation en matière de protection des données. En ce sens, la véritable question est de demander à TikTok l’application de la loi sur la protection des données et ainsi de protéger les millions d’utilisateurs belges et européens ». La ministre Dedonder n’a, en tout cas, pas demandé d’autorisation ou de dérogation particulière pour pouvoir utiliser l’application TikTok.

Le patron du nouveau Cyber Command de la Défense, Michel Van Strythem, avait mis en garde ce mercredi matin les députés contre les dangers de certaines applications en matière de sécurité électronique, et notamment de Tik Tok. Même si cette application n’est pas la seule à présenter un danger, le général Van Strythem a toutefois mis l’accent sur elle à l’occasion de la présentation du Cyber Command à la commission de la Défense de la Chambre, rapporte l’agence Belga. Trois points suscitent plus particulièrement la méfiance de ce qui doit devenir la cinquième composante de l’armée : l’absence d’authentification à deux facteurs, une transmission non sécurisée de données et la loi chinoise qui autorité les autorités chinoises à accéder aux données transmises. Dans l’opposition, le député Michael Freilich (N-VA) a appelé à plusieurs reprises à une interdiction ciblée de l’usage de Tik Tok. Il a répété mercredi son plaidoyer qui vise les responsables politiques, les titulaires d’un mandat exécutif, les militaires, les agents des services de sécurité et le personnel des pouvoirs publics. “C’est une mesure nécessaire à court terme qui ne peut attendre”, a-t-il dit.

On a par ailleurs appris par l’entremise du secrétaire d’État à la Protection de la vie privée, Mathieu Michel, que le Centre pour la Cybersécurité Belgique (CCB) préparait une analyse sur la menace que peuvent représenter une série d’applications électroniques, à commencer par TikTok. Le secrétaire d’État a toutefois relativisé l’urgence de la situation. Les fonctionnaires et services qui traitent des données sensibles ont déjà été sensibilisés aux problèmes liés à ces applications. « Nous attendons une estimation du niveau de risque », a-t-il dit, dans des propos relayés par l’agence Belga.

Le Parlement européen passe à l’action

Mercredi, le Parlement européen a décidé d’interdire le réseau social chinois TikTok sur les appareils professionnels de l’institution, après une mesure similaire de la Commission européenne. La présidente du Parlement, Roberta Metsola, et le secrétaire général, Alessandro Chiocchetti, ont décidé que l’application TikTok ne pourrait plus être utilisée sur les appareils professionnels, comme les ordinateurs, téléphones mobiles ou tablettes, à compter du 20 mars. Par ailleurs, il est aussi “fortement” recommandé aux salariés de l’institution ainsi qu’aux élus et assistants parlementaires de retirer TikTok de leurs appareils personnels. La Commission européenne avait annoncé jeudi dernier que son personnel avait jusqu’au 15 mars au plus tard pour désinstaller l’application. Une mesure similaire doit être prise par le Conseil européen, l’instance représentant les 27 États membres.