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A Damas, le président de l’Iran réaffirme l’alliance avec la Syrie et tente de tourner la page de la guerre

Les deux chefs d’État s’étaient déjà rencontrés, il y a tout juste un an, à Téhéran, lors d’un voyage qui avait permis de réamorcer une coopération économique et commerciale entre les deux pays, laquelle est encore au menu de la visite de cette semaine. Une délégation politique et économique de haut rang (dont les ministres des Affaires étrangères, du Pétrole et de la Défense) accompagne le président iranien à Damas, avec en ligne de mire la signature de nombreux accords et protocoles d’accords destinés à développer les relations économiques. Ce devrait être le cas dans le domaine énergétique, alors que Téhéran a déjà ouvert des lignes de crédit et conclu de beaux contrats dans les télécommunications et l’industrie minière.

Une portée “stratégique”

Il s’agit du premier voyage d’un président de la République islamique en Syrie depuis 2010 – Mahmoud Ahmadinedjad avait rencontré Bachar al Assad à Damas. Et, en février 2019, le président syrien avait fait un premier voyage en Iran depuis le début de la guerre dans son pays en 2011, avec à la clé la conclusion d’accords bilatéraux. D’après la Syrie, l’actuel voyage revêt une importance “stratégique” pour les deux pays.

L’Iran, qui a déjà exprimé le souhait de participer aux efforts d’investissement dans le cadre de l’inévitable reconstruction de la Syrie, souhaite garder ce pays dans son sillage idéologique. Les deux pays sont très liés depuis plusieurs décennies, d’abord par une proximité confessionnelle, la minorité alaouite au pouvoir en Syrie faisant partie d’une des branches du chiisme (majoritaire en Iran). Dès le début de la guerre, Téhéran a fourni à Damas un appui militaire, humanitaire, économique et politique. La présence en Syrie de milliers de volontaires encadrés par des conseillers militaires de la force Al Qods (le corps expéditionnaire des Gardiens de la révolution) comme celle des combattants du Hezbollah libanais (qu’il appuie aussi), ont induit des centaines de raids aériens non déclarés menés par l’armée israélienne visant à neutraliser les activités et installations de forces pro-iraniennes dans ce pays voisin d’Israël.

Le grand rassemblement

Le voyage du président Raïssi à Damas, qui confirme l’alliance stratégique entre les deux pays, se déroule en plein réchauffement tous azimuts des relations au Moyen-Orient. La normalisation diplomatique entre l’Iran et l’Arabie saoudite, les deux grands rivaux du Golfe qui se sont affrontés par procuration en Syrie, accentue des perspectives existantes ou en ouvre de nouvelles. L’heure du grand rassemblement a sonné autour de la Syrie, avec laquelle beaucoup de pays arabes avaient rompu ou distendu leurs liens après la suspension de celle-ci par la Ligue arabe fin 2011.

Depuis des semaines, des États arabes examinent les conditions de leur normalisation avec Damas, en prélude au Sommet de la Ligue arabe le 19 mai. La Syrie est pressée de toutes parts de s’engager à leurs côtés sur une feuille de route censée refermer la page de la guerre, en particulier sur des sujets qui les concernent comme les réfugiés, les prisonniers, le trafic de drogue et les milices pro Iran en Syrie. Lors d’une réunion des chefs de la diplomatie syrienne, jordanienne, irakienne, égyptienne et saoudienne ce lundi à Amman, la Syrie a accepté de participer aux efforts visant à mettre fin au trafic de drogue à large échelle, organisé à travers ses frontières avec l’Irak et la Jordanie. Damas est accusé de laisser prospérer le trafic du captagon, une amphétamine très lucrative, destinée aux pays du Golfe. Le 24 avril, l’Union européenne a placé plusieurs hauts responsables gouvernementaux et deux cousins de Bachar al Assad, accusés d’y être impliqués, sur sa liste de sanctions.