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80 ans après l’insurrection du ghetto de Varsovie, deux rescapées témoignent: « Cette révolte était du suicide, on ne pouvait pas gagner »

« On sentait la chaleur des murs qu’on ne pouvait pas toucher (…) comme dans un four à pain », dit-elle à l’AFP à Varsovie, ville où elle vit toujours.

Le ghetto de Varsovie avait été créé par les Allemands un an après l’invasion de la Pologne en 1939.

Sur un peu plus de trois kilomètres carrés, les nazis ont entassé jusqu’à 450.000 juifs, pour les exterminer par la faim et les maladies, ou les déporter vers le camp de la mort de Treblinka, à 80 kilomètres à l’est de Varsovie.

Le 19 avril 1943, quelques centaines de combattants juifs attaquèrent les nazis, préférant mourir l’arme à la main plutôt que prendre le chemin des chambres à gaz.

Au début du soulèvement, quelque 50.000 civils se cachaient toujours dans des caves et bunkers.

Les Allemands réprimèrent l’insurrection et mirent le feu à tout le quartier.

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Photo montrée le 18 janvier 2023 par le musée de l’Histoire des Juifs polonais Polin, prise par un pompier polonais du ghetto de Varsovie, "autour du 20 avril 1943" selon lui, montrant des juifs escortés par des soldats allemands armés avant leur déportation

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<p>Photo montrée le 18 janvier 2023 par le musée de l’Histoire des Juifs polonais Polin, prise par un pompier polonais du ghetto de Varsovie, « autour du 20 avril 1943 » selon lui, montrant des juifs escortés par des soldats allemands armés avant leur déportation</p> ©AFP

Il fallait leur faire du mal

Lorsque l’insurrection a éclaté, Mme Budnicka avait dix ans et vivait déjà depuis plusieurs mois dans un bunker construit par ses frères sous son immeuble au coeur du ghetto. Toute sa famille de dix personnes, ainsi que d’autres, s’y cachaient en espérant survivre à la terreur allemande.

« Je me sentais faible, impuissante, abattue, envahie par la torpeur, se souvient-elle, comme si tout se passait en dehors de moi. Je serrais ma mère dans mes bras, j’avais peur, j’avais faim, j’étais faible, c’est surtout la faim qui rendait faible( …) Rien ne dépendait de moi ».

Quand la révolte a commencé, Halina Birenbaum vivait, elle aussi, avec sa famille dans un bunker « avec l’espoir que la guerre allait se terminer et que nous allions sortir ».

Elle est restée bloquée sous la terre pendant trois semaines « avec juste de l’eau, du sucre et un peu de confitures », raconte cette femme de 93 ans qui vit aujourd’hui en Israël.

« Nous étions serrés et il fallait garder le silence, nous sentions la fumée car les Allemands brûlaient le ghetto, rue après rue », se rappelle-t-elle.

« Cette révolte était du suicide, on ne pouvait pas gagner mais il fallait leur faire du mal » (aux nazis), insiste Mme Birenbaum.

Finalement, sa famille a été dénoncée et a dû fuir le bunker.

A la surface « il ne restait plus rien du ghetto », souligne-t-elle.

Antisémitisme : éviter l’instrumentalisation

Envoyée avec sa famille au camp de Majdanek, elle est transférée par la suite dans la camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, puis dans celui de Ravensbrück.

Mme Budnicka s’est sauvée du bunker par les égouts. Affaiblis et incapables de marcher, ses parents, accompagnées de sa soeur, y sont restés pour toujours.

« Maman m’a dit de continuer (…) Je considère cela comme son testament signifiant que je dois poursuivre, et vivre », dit-elle encore.

Sortie des égouts, elle était exténuée de fatigue et de faim. « J’ai dû reapprendre à marcher, car je suis restée sous terre pendant huit mois » sans bouger, se rappelle-t-elle.

Toute sa famille la plus proche a péri dans l’Holocauste. « Je ne les ai pas pleurés, parce je n’ai plus de larmes », déclare-t-elle.

Varsovie, 1943, l’ insurrection du ghetto

« Au grand dam » d’Hitler

Depuis des années, les deux femmes témoignent de leur sort, surtout auprès des jeunes.

« A l’issue de la guerre, je me souviens de m’avoir dit qu’après ce qu’il venait d’arriver, cela n’avait plus le droit de recommencer, que le monde a appris quelque chose », indique Mme Budnicka, « mais très vite il s’est avéré que si ».

« Aucun enfant au monde ne mérite un tel sort (…) Pourquoi ai-je dû subir tout cela? Parce qu’un type comme Hitler n’était pas content qu’un enfant juif vive et il s’est imaginé qu’il fallait le tuer », s’insurge-t-elle, « mais je continue à vivre, à son grand dam ».

Depuis 1986, Mme Birenbaum voyage sur le site de l’ancien camp d’Auschwitz. Le 18 avril, elle prendra part à la Marche des vivants, organisée depuis des années, en hommage aux victimes de l’Holocauste.

« C’est important de raconter et de dire que la guerre et la haine d’autrui empoisonnent tout », insiste-t-elle, « je dis aux jeunes que la vie est au dessus de tout, chaque jour, chaque minute, chaque instant compte, il faut garder espoir, se battre pour vivre, pour être libre ».